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À l'horizon

L’économie créative sur le devant de la scène
En 2021, l’économie créative se retrouve sous les feux de la rampe dans un contexte de bouleversements sans précédent entraînés par la pandémie de COVID-19. L’Année internationale de l’économie créative pour le développement durable – proclamée par une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, originellement soutenue par 27 pays de toutes les régions du monde – met l’accent sur la contribution de la culture à l’économie mondiale et au développement durable. En outre, les industries culturelles et créatives (ICC), et leur place au cœur de l’économie créative, n’ont jamais été à un tel carrefour. À mesure que la pandémie de COVID-19 se propage, la fermeture généralisée des frontières et des lieux publics, ainsi que les mesures de distanciation physique affectent des segments entiers de l’économie créative. De nombreuses professionnels créatifs ont perdu leur emploi. Le spectacle vivant, dépendant étroitement des lieux de représentation, figure parmi les secteurs les plus durement touchés, une onde de choc qui s’est répercutée en chaîne sur les moyens de subsistance, la mobilité des artistes, l’accès au marché et la liberté artistique, ainsi que plus largement sur l’ensemble de la chaîne de valeur des fournisseurs et des prestataires de services. L’artisanat, un secteur clé pour l’emploi dansr de nombreux pays, a subi un ralentissement massif. La crise a accéléré les tendances antérieures, en particulier dans le domaine de la numérisation, et révélé les inégalités et les précarités existantes au sein de l’économie créative dans la plupart des pays du monde, y compris les pays où le soutien public au secteur créatif était plus ancré.
La crise actuelle attire clairement l’attention des décideurs sur le poids social et économique de l’économie créative, et engage les pays à réformer leurs politiques. L’ampleur des répercussions dans le secteur créatif, notamment en matière d’emploi, lance un signal d’alarme. Les pays sont plus que jamais invités à renouveler leurs modèles économiques et à renforcer l’investissement des politiques publiques dans un secteur où les plateformes numériques mondiales constituent désormais des monopoles qui interpellent le rôle des politiques publiques. En effet, l’économie créative devrait être pleinement reconnue comme un moteur économique – une reconnaissance qui est maintenant clairement formulée par les dirigeants mondiaux, y compris des plus grandes économies du monde comme le montre l’inclusion de la culture dans le récent sommet du G20, pour la première fois de son histoire. Par ailleurs, l’économie créative doit être résolument soutenue par des politiques publiques cohérentes, efficaces et intégrées. L’adaptation des politiques publiques demeure un chantier en devenir.
L’économie créative s’est affirmée comme l’un des moteurs des économies contemporaines. La valeur du marché mondial des biens créatifs a plus que doublé de 2002 à 2015, passant de 208 milliards de dollars des États-Unis à 509 milliards de dollars des États-Unis. Le secteur créatif compte parmi les secteurs de l’économie mondiale qui connaissent la croissance la plus rapide, générant près de 30 millions d’emplois dans le monde et employant plus de personnes âgées de 15 à 29 ans que tout autre secteur. Si la nature et la portée des ICC peuvent varier d’un pays à l’autre, elles sont globalement reconnues par les États membres comme un véritable moteur de développement économique et recueillent un soutien croissant des partenaires internationaux du développement.
Pourtant, cette volonté politique en faveur de l’économie créative et l’ambition de tirer parti de son potentiel économique ne sont pas pleinement reflétés dans l’investissement des politiques publiques. En effet, au cours des 20 dernières années, en l’absence d’une réforme de fond des politiques culturelles qui prenne en compte le poids économique des ICC dans son ensemble, les pouvoirs publics ont laissé le champ libre aux forces du marché et au secteur privé. Au-delà des déclarations politiques sur l'importance du secteur créatif, les politiques publiques restent globalement fragmentées ; une fragmentation qui fait également écho à la complexité d’un secteur vaste aux dimensions multiples. En outre, la contribution de l’économie créative au développement durable semble insuffisamment reconnue, comme l’indiquent les références limitées à l’économie créative dans les examens nationaux volontaires (ENV) des États membres (voir la section La culture dans le Programme 2030). Un engagement ambitieux et déterminé est donc nécessaire pour soutenir la relance du secteur et permettre sa contribution à un avenir plus durable.

L’économie créative dans les politiques publiques : une rupture historique

Les discussions mondiales sur l’économie créative ont connu un élan dans les années 1990, la mondialisation accélérée suscitant alors une approche essentiellement défensive. Dans un paysage mondial marqué par l’évolution rapide vers une économie de marché mondialisée, la marchandisation croissante de la culture souleva des préoccupations. Les accords multilatéraux négociés dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), puis de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – cadres visant à réglementer le commerce mondial – furent considérés comme potentiellement préjudiciables à la spécificité du secteur culturel et créatif, impliquant des aspects monétaires et non monétaires. Une approche largement protectionniste de la culture et de la diversité culturelle s’affirma alors comme la réponse la plus appropriée et réaliste face aux menaces pressantes de la mondialisation. Lutter contre l’homogénéisation culturelle en protégeant la culture, ses valeurs et sa diversité, comme en témoignent les discussions sur « l’exception culturelle », était alors le mot d’ordre. Cette approche fut élargie par la suite pour donner naissance à un consensus mondial sur l’importance de la diversité culturelle, cristallisé par la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2001), ratifiée par l’ensemble des États membres. En s’appuyant notamment sur les concepts fondateurs du rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement intitulé   (1996), la Déclaration de 2001 réaffirme clairement « la spécificité des biens et services culturels qui, en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres ».

Les vingt dernières années ont été marquées par un glissement progressif dans le discours sur les politiques culturelles et dans la compréhension de l’économie créative, d’une posture défensive à une approche plus inclusive. L’évolution du paysage politique vers un environnement multipolaire – tant au niveau international que national – ainsi que l’accélération progressive de la transformation numérique ont radicalement changé la donne. L’expansion des ICC, et leur ancrage progressif dans les politiques publiques, s’est inscrite dans un environnement en mutation, marqué par la transformation numérique. Les nouvelles technologies ont transformé la manière dont le texte, l’image et le son sont créés, produits et diffusés, élargissant ainsi la portée des ICC. Ce changement a également été influencé par l’affirmation d’une approche plus inclusive et holistique du rôle de la culture pour le développement. En s’appuyant sur plusieurs résolutions des Nations Unies portant sur la culture et le développement qui ont explicitement reconnu les liens entre la culture et les trois piliers du développement durable, mais également sur l’inclusion transversale en 2015 de la culture dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, une approche inclusive de l’économie créative s’est progressivement affirmée. Cependant, ce glissement dans le discours n’est pas encore pleinement traduit dans la réalité des politiques publiques. Une refonte des politiques publiques dans leur ensemble s’impose, pour prendre en compte la spécificité du secteur créatif et sa puissance économique.

Cette dynamique croissante de l’économie créative s’est manifestée de façon contrastée dans les différentes régions du monde, en fonction des approches et des priorités spécifiques des pays. À partir des années 1990, les ICC ont été progressivement introduites dans les politiques culturelles nationales. La politique culturelle australienne « Creative Nation » de 1994 présentait explicitement les ICC comme une source de croissance financière pour l’économie nationale, tandis que la politique culturelle du Royaume-Uni de 1997 faisait des industries créatives un moteur économique pour le pays. En Asie, la Chine a lancé dès 2001 une stratégie en faveur des industries culturelles dans le cadre de son dixième plan quinquennal, tandis qu’à Singapour, la priorité a été donnée au développement d’une « société créative » par le biais des arts, des hautes technologies et de la recherche. En Afrique, l’industrie cinématographique nigériane ou « Nollywood » s’est développée à la faveur de la révolution numérique, les caméscopes ayant remplacé le cinéma argentique, faisant du secteur du film le deuxième employeur du pays. Le grand intérêt manifesté en faveur de l’artisanat et des arts du spectacle par les politiques publiques dans la plupart des régions du monde témoigne également d’une reconnaissance croissante de son importance pour le développement économique et social.

Malgré cette large reconnaissance des ICC, les politiques publiques encadrant l’économie créative restent largement fragmentées. Les ICC ont tendance à occuper une position ambivalente dans les cadres de politiques publiques. Opérant à l’interface entre la culture, l’économie et la technologie, elles peuvent souvent être mises en veilleuse dans les politiques culturelles et économiques. D’une part, les industries culturelles peuvent ne pas être considérées comme un secteur intégré de l’économie d’un pays. D’autre part, la nature complexe et multidimensionnelle des industries culturelles – impliquant des aspects monétaires et non monétaires, mais touchant également de nombreux domaines politiques, notamment la technologie, l’éducation ou le tourisme – ne peut être englobée de manière exhaustive par les seules politiques culturelles et doit également être intégrée dans l’ensemble des politiques publiques.

L’économie créative à travers les politiques et cadres culturels

L’économie créative fait l’objet, en particulier, de deux des instruments normatifs de l’UNESCO, la Déclaration universelle sur la diversité culturelle (2001) et la Convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (2005). Cette dernière est le seul instrument juridique international à avoir été adoptée à l’unanimité par l’Union européenne. Les quatre piliers fondamentaux de la Convention de 2005 ont des implications essentielles pour les ICC et la façon dont elles sont liées aux différentes composantes de l’écosystème culturel, de la société et de l’économie : (i) la gouvernance ; (ii) la circulation des biens et services culturels et la mobilité des artistes ; (iii) le développement durable ; et (iv) les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Avec une composante à la fois culturelle et commerciale, l’économie créative a un lien étroit avec la clause de traitement préférentiel tel que définie par la Convention de 2005. Celle-ci stipule que les pays développés doivent accorder un traitement préférentiel aux artistes et autres professionnels et praticiens de la culture, ainsi qu’aux biens et services culturels, des pays en développement. Dans le cadre du programme UNESCO-Aschberg pour les artistes et les professionnels de la culture, un devrait être lancé dans la perspective de soutenir le traitement préférentiel et la liberté artistique pour l’émergence de secteurs créatifs solides dans les pays du Sud. Le prix international UNESCO-Bangladesh Bangabandhu Sheikh Mujibur Rahman pour l’économie créative, créé en 2020, décernera 50 000 dollars des États-Unis tous les deux ans pour soutenir l’esprit d’entreprise des jeunes dans les industries culturelles et créatives. La cérémonie inaugurale de remise des prix devrait avoir lieu lors de la 41e session de la Conférence générale de l’UNESCO de cette année. La Conférence des Parties à la Convention souligne également la pertinence du traitement préférentiel comme . Sous l’égide de la Convention de 2005, le (FIDC), soutenu par plusieurs donateurs, œuvre en faveur d’actions durables déployées sur le terrain. Depuis 2010, celui-ci a financé 105 projets dans 54 pays en développement et pays les moins avancés, pour un montant total d’environ 7,5 millions de dollars des États-Unis. À l’heure actuelle, certains domaines des ICC, comme l’artisanat, sont moins visibles que d’autres dans le cadre des travaux de la Convention. Des , notamment dans la région Asie, ont montré que le secteur créatif s’inscrit parfois dans une économie à deux vitesses, avec d’une part des industries culturelles mondialisées et directement liées à la transformation numérique et, d’autre part, des industries culturelles plus ancrées localement et fondées sur les pratiques et savoir-faire traditionnelles, parmi lesquelles l’artisanat, qui s’inscrivent d’avantage dans l’économie informelle et la vie des communautés locales.

Soutenir les secteurs culturels et l’économie créative comme un moyen de diversifier les activités économiques forme une question centrale. Les médias, les ³¾³Ü²õé±ð²õ, les théâtres, les salles de cinéma, toutes ces infrastructures ont un impact positif sur la société car elles permettent le développement économique, l’échange des idées et l’innovation qui contribuent au progrès.
Youssou N’Dour, chanteur, compositeur et producteur sénégalais

La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) couvre également des domaines qui représentent des composantes clés de l’économie créative. Bien que l’économie créative ne constitue pas un concept fondateur dans le champ du patrimoine culturel immatériel, celui-ci prend en compte des pratiques qui entrent dans la sphère de l’économie créative, notamment l’artisanat et les arts du spectacle. Par ailleurs, si le développement économique ne représente pas un objectif explicite pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel – davantage axée sur la transmission – un nombre croissant de pratiques culturelles immatérielles ont un impact direct sur le développement économique. La dimension économique du patrimoine immatériel a pris de l’ampleur, aux côtés de ses dimensions sociale et environnementale, dans le cadre des efforts en faveur de la promotion de modes de vie plus durables. Dans cet esprit, un chapitre consacré au développement durable a été introduit en 2016 dans les . Au vu de cette tendance croissante, l’Organe d’évaluation de la Convention a en 2019 de formuler des orientations pour les États parties afin de garantir un équilibre entre le développement économique et les mesures de sauvegarde, et ainsi de tirer parti de son potentiel en faveur des détenteurs du patrimoine et des communautés locales, mais également d’éviter une commercialisation excessive. Le nouvel outil de l’UNESCO «  » rend compte de façon frappante de l’interconnexion des éléments inscrits sur les listes de la Convention de 2003 avec les 17 ODD, et montre que plus de la moitié de tous les éléments inscrits contribuent à favoriser un travail décent et la croissance économique. Dans le domaine de l’artisanat, par exemple, a mis en place un modèle économique selon lequel les bénéfices tirés du commerce de la dentelle sont réinvestis en faveur des communautés pour développer le secteur culturel local, par la création et le maintien d’associations culturelles, d’une société théâtrale, d’un chœur et d’un musée.

L’économie créative interpelle de manière croissante le champ de la conservation du patrimoine culturel, en particulier dans les contextes urbains. La recommandation de l’UNESCO sur le paysage urbain historique (2011) – qui célèbre cette année son dixième anniversaire – englobe également l’économie créative dans le cadre d’une approche holistique du patrimoine urbain et de la régénération urbaine. Le développement de pôles créatifs ouvre souvent des voies pour la réhabilitation, l’entretien et la valorisation des biens historiques.Il peut également offrir des possibilités nouvelles pour la réutilisation et l’adaptation du parc immobilier historique et proposer de nouveaux modèles économiques pour financer la conservation du patrimoine. En écho à cette stratégie, la ville de Bologne (Italie), Ville créative de musique et site du patrimoine mondial de l’UNESCO, a lancé en 2010 le projet à l’échelle de la ville, qui a ensuite été étendu à la région d’Émilie-Romagne. Ce programme propose à la location des locaux à vocation commerciale à des prix abordables dans des zones historiques dégradées. La municipalité fournit ainsi un soutien aux jeunes entreprises créatives de la ville, tout en favorisant la réhabilitation et la valorisation de son patrimoine bâti. L’économie créative est également une composante croissante de l’offre de tourisme culturel, au même titre que le patrimoine culturel, l’artisanat et les ³¾³Ü²õé±ð²õ. Ces interactions entre l’économie créative et d’autres domaines culturels, notamment le patrimoine et le tourisme, appellent à forger une approche globale de l’économie créative et des écosystèmes culturels dans leur ensemble.

L’économie créative suscite un intérêt croissant de la part des organisations internationales, ce qui renforce sa portée à l’échelle mondiale et réaffirme son caractère transversal dans les politiques publiques. Compte tenu de l’étendue de l’économie créative, un certain nombre d’entités des Nations Unies ont œuvré pour faire progresser la contribution de l’économie créative au développement à travers différentes approches complémentaires, dédiées notamment à la régulation du marché. L’UNESCO, seule agence des Nations Unies dépositaire d’un mandat culturel, soutient l’émergence de l’économie créative en faveur de la prospérité économique et du bien-être social dans les États membres, et offre un laboratoire d’idées pour nourrir l’analyse des politiques publiques. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) représentent également des acteurs clés pour fédérer l’expertise et les savoir-faire et faire progresser l’économie créative aux niveaux international et national. D’autres organisations, telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Conseil de l’Europe ainsi que des organismes régionaux, dont l’Union européenne et la Banque interaméricaine de développement, sont également des acteurs actifs en faveur de l’économie créative. La CNUCED a, par exemple, mis en place un programme dédié à l’économie créative en 2004, et compile des données sur les biens et services créatifs dans une perspective commerciale.

L’économie créative en tant que levier pour le développement durable a également gagné en importance au niveau local, en particulier au cours des deux dernières décennies. La croissance des pôles créatifs dans les zones urbaines – rassemblant petites et moyennes entreprises (PME) autour de connaissances et de compétences spécialisées – a particulièrement contribué à susciter un intérêt croissant en faveur du potentiel des ressources créatives des villes au service du développement urbain, ainsi que pour attirer et retenir les talents. La création du Réseau des villes créatives de l’UNESCO en 2004, dans le sillon de l’adoption de la Convention de 2005, témoigne de même de l’importance cruciale des villes dans la valorisation de ce potentiel et du rôle essentiel des acteurs locaux. Les 246 Villes créatives de l’UNESCO ont été particulièrement actives pour explorer et démontrer le potentiel de l’économie créative pour le développement durable à travers divers domaines des politiques publiques, parmi lesquels le développement économique, l’éducation et la formation, l’inclusion sociale, la régénération urbaine, la transition écologique, ou encore l’innovation sociale et la citoyenneté, comme le reflète plusieurs exemples de la publication . En réponse à l’impact de la pandémie sur le secteur créatif, les Villes créatives de l’UNESCO ont également démontré leur capacité à s’adapter et à rivaliser d’innovation pour soutenir les professionnels de la culture et les entreprises créatives, en agissant comme des « connecteurs » pour promouvoir l’inclusion sociale et la résilience des villes. En outre, elles ont contribué à « localiser » l’économie créative, en s’appuyant sur les compétences locales et les opportunités numériques – plusieurs retours d’expérience sont ainsi reflétés dans la publication . Parmi les initiatives mises en Å“uvre par les Villes créatives, la ville de Querétaro (Mexique), Ville créative de design de l’UNESCO, s’est appuyée sur le développement d’un programme numérique pendant la période de confinement dans la perspective de mobiliser les acteurs et les partenaires des secteurs créatifs. La ville de Sharjah (Émirats arabes unis), Ville créative de l’artisanat et des arts populaires, a mis l’accent sur la revitalisation de l’artisanat local par le biais d’une formation professionnelle à destination des femmes en vue d’assurer la continuité de leur production artisanale durant la crise de la COVID-19.

Cette influence croissante des villes et des acteurs locaux – qui a été exacerbée par la pandémie – remodèle le paysage de l’économie créative. Cette tendance générale s’observe dans toutes les régions du monde, bien qu’à des niveaux et selon des scénarios différents, comme le reflète notamment le rapport mondial de l’UNESCO , et comme mis en exergue dans la publication . L’actuelle crise sanitaire est lourde de défis pour les autorités locales ; le soutien de l’État ayant souvent été restreint, les autorités locales ont été poussées à imaginer de nouveaux modèles économiques pour soutenir l’économie créative, réaffirmant ainsi leur rôle essentiel pour l’élaboration et la mise en Å“uvre des politiques culturelles. L’UNESCO s’est par ailleurs associée à un certain nombre de partenaires internationaux et régionaux pour élaborer des orientations et des instruments de politiques publiques sur l’économie créative au niveau local. Au cours des dernières années, l’UNESCO et la Banque mondiale, en particulier, ont Å“uvré conjointement en faveur du développement des villes à travers la culture dans le cadre d’une série d’actions liées à la reconstruction des villes, à la relance socio-économique et, plus récemment, à l’économie créative. Ce partenariat fédère l’expertise des deux organisations dans l’optique de fournir des conseils opérationnels aux autorités locales sur la manière de tirer le plein potentiel de la créativité, du patrimoine culturel immatériel et des ICC pour la croissance économique et le bien-être à long terme, notamment par le biais du cadre intitulé « Ville, culture et créativité ».

Les retombées des industries culturelles et créatives se sont largement propagées au niveau national, où les pays cherchent à tirer parti du potentiel du secteur au travers de politiques ciblées. La Colombie a vu la valeur de ses industries culturelles et créatives passer de 6,2 milliards de dollars des États-Unis en 2010 à 8,2 milliards en 2017, soit une croissance moyenne annuelle de 5,5 %. lancée par le pays en 2018 dont l’ambition est de stimuler les investissements du secteur privé dans les industries culturelles et créatives soutient de manière considérable le développement des arts, de l’artisanat, des festivals, du patrimoine, de la musique, de l’édition et de la mode. Cette politique a été réaffirmée par l'engagement de la Colombie dans l'organisation du Forum mondial sur les arts, la culture, la créativité et la technologie (G-FACCT) en novembre 2020, destiné à forger un engagement nouveau pour promouvoir la culture et l'économie orange comme moteur de développement. Le Forum a réuni 290 experts de 22 pays ainsi que 1,5 millions de participants en ligne issus de 83 pays et répartis dans plus de 100 conférences et panels. Le Forum incluait également un programme national de tutorat intitulé G-FACCT Leadership Scholars pour déployer à l’échelle nationale la politique de l’économie orange, ainsi que des espaces de partage de connaissance destinés à accompagner l’élaboration des politiques publiques pour les ICC, en lien avec la communauté des Andes (CAN), la Commission interaméricaine de la culture de l’OEA (CIC), la BID, le CERLALC, la SEGIB, Mercosur Cultural, la Confédération des chambres de commerce et d'industrie d'Asie-Pacifique (CACCI), l’Alliance du Pacifique, et des agences des Nations Unies parmi lesquelles l’UNESCO. Dans la même veine, l’Indonésie a placé la créativité au cÅ“ur de sa politique publique. Le pays a adopté un Plan directeur national pour le développement économique créatif plaçant l’économie créative au premier plan et au cÅ“ur de la promotion de la croissance économique du pays dans 12 domaines des politiques publiques, notamment le développement urbain, le patrimoine, les infrastructures, les finances publiques, les droits de propriété intellectuelle et les mesures réglementaires pour les ICC. 

L’économie créative aujourd’hui

La transformation numérique a changé la donne pour l’économie créative, en affectant la chaîne de valeur de la création dans son ensemble, et en transformant en profondeur notre façon de communiquer, de créer et de travailler. L’essor du numérique a également forgé un écosystème plus complexe avec l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs technologiques de grande envergure, tels que Google, Netflix et Amazon. Au cours de l’année écoulée, les services de streaming ont été utilisés à une ampleur sans précédent, tandis que a subi une perte de 7 milliards de dollars de revenus. Au cours du premier trimestre 2020, le service de vidéo à la demande par abonnement a enregistré une augmentation de 23 %, tandis que la plateforme suédoise de streaming musical faisait état d’une augmentation de 31 % des nouveaux abonnés. Des visites de ³¾³Ü²õé±ð²õ, des expositions, des concerts et des pièces de théâtre ont été proposés en ligne. Les festivals, qui ont été profondément affectés par les mesures de confinement et de distanciation physique, ont également créé des alternatives pour continuer à rendre la culture accessible. L’édition 2020 du a associé des diffusions en ligne à des projections en plein air. Le est passé en ligne et a été promu comme « le plus grand festival du monde dans votre salon », avec 28 évènements en streaming. En Jamaïque, l’édition du de cette année sera également célébrée en ligne, tandis que le 36e proposera un programme musical diffusé en streaming depuis Cuba. Le ministère palestinien de la Culture a mené pour sa part une enquête auprès de 300 organisations culturelles afin d’établir une stratégie culturelle alternative intégrant la technologie « E-Culture » et les plateformes virtuelles pour anticiper les crises à venir.

Les défis sont particulièrement aigus pour les . Ces dernières disposent souvent d’un accès restreint aux programmes de formation et aux réseaux professionnels. La lutte contre les inégalités entre les genres dans les industries créatives numériques est au cœur de , qui a soutenu jusqu’à présent quatre projets dont l’objectif est de renforcer les compétences techniques et entrepreneuriales de jeunes femmes au Mexique, en Palestine, au Sénégal et au Tadjikistan. En Afrique, des initiatives telles que le programme du lancé en 2019 encourage les compétences entrepreneuriales dans le domaine de la création numérique afin de promouvoir les entreprises créatives détenues et dirigées par des femmes. L’UNESCO s’est appuyée sur sa coopération de longue date avec le gouvernement du Bengale occidental en Inde pour renforcer les moyens de subsistance des artisans et des artistes folkloriques dans les zones rurales du Bengale occidental. Le comporte une dimension d’entreprenariat, qui porte déjà ses fruits pour l’autonomisation des femmes et de la jeunesse. Au Mexique, les femmes bénéficient de la dernière édition du programme , une initiative du gouvernement mexicain, qui fournit aux femmes les outils nécessaires à leur développement et à leur expansion sur d’autres marchés, et facilite leur accès au financement et aux réseaux d’entreprises.

Nous devons construire une approche holistique de l’économie culturelle numérique.
S. Exc. Mme Noura Al Kaabi, Ministre de la culture et du développement des connaissances, EAU

De nouveaux défis liés à la transformation numérique ont émergé pour les États membres en ce qui concerne la vie privée, le contrôle des données et les droits de propriété intellectuelle, soulevant ainsi des questions relatives à la gouvernance dans un contexte sans frontières et sans réglementations. La sauvegarde de la diversité linguistique et culturelle en ligne suscite des préoccupations croissantes. Certaines de ces évolutions ont également entraîné des déséquilibres sur le marché, marqué notamment par la domination des plateformes en ligne et l’utilisation de contenus créatifs sans rémunération appropriée. Les cadres politiques et réglementaires peinent à s’adapter au rythme accéléré de ces transformations. L’Union européenne s’est employée à établir des lignes directrices et des cadres réglementaires dans l’environnement numérique, notamment une sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, qui a été adoptée par le Parlement européen en 2019. L’Union européenne appelle également ses États membres à veiller à ce que chaque service à la demande contienne au moins 30 % de contenu européen d’ici à 2021. Les sur la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique de juin 2017 fournissent un ensemble de normes et de principes éthiques portant sur les questions relevant des créateurs, des industries culturelles et créatives et de la liberté d’expression artistique. Les États parties à la Convention de 2005 ont par la suite établi des feuilles de route nationales sur l’adaptation numérique. À titre d’exemple, le plan de développement de la Turquie pour la période 2019-2023 comprend l’élaboration de programmes de soutien aux ICC dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins dans l’environnement numérique. En Allemagne, une taxe sur la vidéo à la demande est ensuite redistribuée et utilisée pour les productions nationales et assure la diversité de l’offre de films locaux. En outre, la crise a entrainé une hausse de 33 % du à la suite des mesures de confinement. En mai 2020, l’OMPI a lancé un qui fournit des informations actualisées sur les mesures adoptées par les pays et les organisations en réponse à la pandémie.

L’économie de la création relève d’une structure singulière, qui repose souvent sur des réseaux de petites et moyennes entreprises, de travailleurs indépendants et d’intermittents du spectacle. De part cette structure en archipel, souvent combinée à des degrés divers d’informalité, les ICC échappent parfois aux programmes de soutien public. Ces derniers peuvent également s’avérer inadaptés à la structure et au fonctionnement spécifiques des ICC. Le travail indépendant représente près de la moitié de l’ensemble des , et ces travailleurs exercent souvent dans plusieurs domaines des ICC ou industries associées, ce qui est le cas de 53 % des professionnels individuels et des entreprises travaillant dans les . En Amérique latine, les ICC génèrent près de 2,6 millions d’emplois. Une menée conjointement dans dix pays d’Amérique latine par le MERCOSUR, l’UNESCO, la BID, le SEGIB et l’OEI a également révélé que les travailleurs les plus affectés dans les ICC de cette région sont les indépendants et ceux travaillant dans des conditions informelles. Comme souligné dans le en novembre dernier, ces travailleurs sont particulièrement exposés. La crise a mis en évidence la fragilité préexistante du statut de certains des acteurs clés des industries culturelles et créatives, en particulier les artistes et les professionnels de la culture.

Il est probable que les répercussions des mesures de confinement sur la création et la production s’inscrivent dans la durée. La crise a non seulement mis en évidence la valeur des ICC dans nos sociétés contemporaines, mais aussi la nécessité de renforcer leur résilience face aux crises futures. Composées principalement de PME, de travailleurs informels et de travailleurs indépendants, les ICC sont souvent en marge des régimes d’aide publique, qui peuvent s’avérer inadaptés à leur structure spécifique. Les travailleurs de ces secteurs se trouvent souvent dans des situations précaires et vulnérables. Il a fallu une pandémie pour révéler l’ampleur de ce problème. Le bilan particulièrement lourd des industries du spectacle vivant et des lieux de spectacle a eu des répercussions sur la mobilité des artistes, l’accès au marché et la liberté artistique, ainsi que des répercussions plus larges sur la chaîne de valeur des fournisseurs et des prestataires de services. La mise à l’arrêt, à l’échelle internationale, des spectacles en direct et des représentations publiques a entraîné une baisse de perçues pour les auteurs dans le monde entier. La fuite des talents pèse par ailleurs lourdement sur la diversité culturelle, car les artistes et les interprètes sont contraints de quitter leur secteur pour gagner leur vie. Cette situation trouve également un écho dans le secteur des , où 27 % des professionnels indépendants déclarent qu’ils pourraient être contraints de changer de métier en conséquence directe de la crise.

L’impact de la pandémie de COVID-19 a révélé l’insuffisance ou l’inadaptation des dispositifs de politique publique concernant les ICC. Étant donné sa nature composite et transversale, l’économie créative relève de plusieurs ministères, notamment ceux de la culture, de l’économie et du commerce, de l’innovation ou du tourisme. Cette particularité est porteuse d’une fragmentation, susceptible d’entraver la portée et l’efficacité de l’action publique. De fait, malgré l’impact majeur et persistent de la pandémie sur les ICC, celles-ci relativement en marge des programmes de soutien gouvernementaux dans le cadre de la réponse à la COVID-19. En avril 2020, l’UNESCO a lancé son pour les artistes et les professionnels de la culture, et a convoqué une réunion de 130 ministres de la culture sur l’impact de COVID-19 sur le secteur culturel et créatif. Les gouvernements ont mis en place des programmes de soutien pour soutenir le secteur culturel à se maintenir à flot pendant cette période. Ces programmes ont toutefois souvent ciblé les institutions culturelles et leur personnel salarié, les PME ou la main-d’œuvre indépendante échappant à ces dispositifs. Pour citer quelques exemples de programmes de soutien, l’Agence malaisienne pour le développement de l’économie culturelle a annoncé un programme de relance intitulé Create Now Funding pour soutenir les artistes et les travailleurs culturels pendant cette période grâce à des subventions pouvant atteindre 1 500 MYR (370 $US) par individu, et 3 500 MYR (865 $US) par collectif ou organisation. À Singapour, le Conseil national des arts (NAC) a lancé un de 55 millions de SGD, comprenant une subvention pouvant atteindre 20 000 SGD (20 000 $US) pour soutenir des projets de numérisation, entre autres mesures telles qu’un report de trois mois de l’impôt sur les sociétés et sur le revenu des particuliers. La société civile a par ailleurs beaucoup contribué à soutenir l’industrie pendant la pandémie. Le secteur privé a quant à lui été en mesure de réagir rapidement et a été à l’origine d’un grand nombre des réponses précoces à la crise.

L’investissement insuffisant dans la production, la collecte et l’analyse de données culturelles dans l’ensemble des politiques publiques entrave également l’économie créative. La définition des ICC peut varier d’un pays à l’autre, ce qui pénalise la mise en place d’un système de normes harmonisées entre les pays. Au regard de la nature multidimensionnelle des ICC, il est parfois complexe de prendre la mesure de l’étendue de leur contribution au développement. De même, l’essor du secteur créatif a été entravé par la fragmentation des données culturelles et l’insuffisance de données à l’échelle internationale. Au cours de la dernière décennie, l’UNESCO a œuvré à la mise en place d’un système cohérent pour mesurer et évaluer la contribution de la culture au développement durable. Les (CDIS) de l’UNESCO ont établi un ensemble d’indicateurs structurés autour de sept dimensions à mettre en œuvre au niveau national. Plus récemment, l’UNESCO a collaboré avec l’Institut de statistiques de l’UNESCO et plusieurs organisations et experts internationaux pour développer les , un outil lancé en 2019 pour mesurer la contribution de la culture aux ODD aux niveaux national et local, à la fois en tant que secteur d’activité et de manière transversale à travers d’autres secteurs. Cette méthodologie fournit notamment un ensemble de 22 indicateurs pour évaluer la contribution de la culture à la prospérité et aux moyens de subsistance, y compris diverses variables telles que la culture dans le PIB, l’emploi et les entreprises culturelles, les dépenses des ménages liées à la culture, le commerce des biens et services culturels ou les finances publiques pour la culture.

Vers un engagement affirmé des politiques publiques en faveur de l’économie créative

Afin s’accompagner l’économie créative de façon globale, durable et efficace, l’engagement des pouvoirs publics doit être résolument réaffirmé et restructuré. L’ampleur de l’impact de la pandémie sur les ICC appelle des mesures volontaristes. Remédier à la fragmentation actuelle des politiques publiques au regard de l’économie créative constitue une priorité pour réaffirmer le rôle prépondérant des pouvoirs publics, tant au niveau national que local, dans la valorisation du rôle de l’économie créative en faveur du développement durable. Une vaste réforme des mécanismes de politiques publiques s’impose, pour offrir un environnement favorable à l’épanouissement des écosystèmes créatifs et renforcer la résilience et la durabilité de l’économie créative face aux crises futures. Un tel enjeu n’interpelle pas les seules politiques culturelles mais également d’autres domaines des politiques publiques, notamment le commerce, la planification et les finances. Un dispositif de coopération interministérielle doit ainsi être envisagé, pour permettre une approche globale de l’économie créative. Compte tenu du monopole croissant des plateformes culturelles mondiales, qui met en péril la diversité culturelle mondiale, cet engagement politique global et volontariste constitue une étape essentielle vers la réglementation incontournable du secteur culturel, notamment dans l’environnement numérique. Cette approche globale contribuera également à une intégration plus robuste de l’économie créative dans les stratégies de développement durable au niveau national.

Les politiques publiques doivent tenir compte, en particulier, de la nature et de la structure de l’économie créative et de sa main-d’œuvre, notamment dans le cadre de la réponse à la COVID-19. Le renforcement du statut des artistes, des artisans et des professionnels de la culture dans leur ensemble constitue une priorité, et les politiques doivent être adaptées aux spécificités de ces industries. À cet égard, la publication publié par l’UNESCO en octobre 2020 donne un aperçu des mesures de politiques publiques pour soutenir les professionnels ou les opérateurs de la culture dans les secteurs public, privé et à but non lucratif. L’enjeu est également de renforcer la compétitivité des ICC pour faire face à l’impact de la pandémie et de poser les bases d’un secteur plus résilient. Les enseignements des projets menés par les Bureaux hors Siège de l’UNESCO dans le domaine de l’économie créative, y compris l’artisanat, peuvent également fournir des orientations supplémentaires sur les besoins spécifiques de l’économie créative et les éventuels dispositifs de soutien.

Les politiques culturelles devraient également intégrer de manière plus systématique les défis et les opportunités liés à la transformation numérique dans le cadre du secteur créatif, une tendance exacerbée par la pandémie de COVID-19. Les pays doivent relever le défi d’élargir l’accès aux contenus culturels, tout en assurant la promotion de leur diversité et en s’adaptant au large éventail de publics. Permettre à tous les segments de la société de bénéficier des opportunités du numérique, notamment en investissant dans le renforcement des capacités et le développement de nouvelles compétences, est un enjeu critique dans des sociétés de plus en plus multiculturelles. Face à la persistance de la fracture numérique, investir dans les infrastructures et la connaissance pour faciliter un accès plus équitable à la culture est tout aussi essentiel – une perspective qui nécessite également un soutien plus large de la part des partenaires régionaux et internationaux. Enfin, la réglementation des plateformes culturelles mondiales est un défi au cœur de cette réflexion qui appelle un dialogue politique élargi, y compris au niveau intergouvernemental. Le renforcement de la diversité culturelle en ligne, une meilleure protection des droits d’auteur et des moyens de subsistance des professionnels de la culture, le soutien aux pays pour des investissements cohérents dans le domaine du numérique ou encore le développement de programmes axés sur des besoins et des solutions adaptés au contexte national et local, sont les pierres angulaires de cette réflexion mondiale. La prochaine réunion des ministres de la culture du sommet du G20, organisée par l’Italie en juin 2021, abordera notamment cette question.

Cet engagement plus vaste des politiques publiques en faveur de l’économie créative devrait également s’accompagner d’une adaptation des instruments opérationnels, y compris du financement. Dans la plupart des pays du monde, le financement public du secteur créatif n’est souvent pas à la hauteur des ambitions formulées par les décideurs politiques, ni de l’ampleur des retombées économiques et sociales générées par le secteur créatif. Il est essentiel de garantir des programmes de financement public durables et adaptés au secteur créatif – notamment par le biais de partenariats internationaux ou public-privé, ou encore en améliorant la durabilité des modèles économiques existants – afin de démontrer et d’ancrer davantage l’engagement des pouvoirs publics et de garantir la résilience du secteur en tant que contributeur essentiel à des sociétés et des économies plus durables. Une alliance solide entre les autorités publiques, la société civile et le secteur privé est également incontournable. Un dialogue plus soutenu et plus actif entre les décideurs politiques et la société civile pour la conception et la mise en œuvre des politiques s’impose – en écho aux principes de la Convention de 2005 et en s’appuyant sur les enseignements tirés du mouvement Resiliart – pour forger des politiques publiques plus fluide et plus réactive. L’innovation produite au niveau local est également susceptible d’éclairer davantage l’élaboration des politiques au niveau national, en alimentant notamment l’identification des besoins ou l’élaboration de programmes de soutien public.

L’expansion des programmes internationaux et nationaux liés aux données sur les ICC est tout aussi essentielle pour orienter l’élaboration des politiques publiques et faire contrepoids à l’emprise croissante des plateformes mondiales sur les données culturelles. Les pays sont invités à investir davantage dans la collecte, la production et l’analyse de données portant sur les répercussions sociales et économiques du secteur créatif, tant au niveau international, national que local. Le déploiement actuel des indicateurs Culture|2030 de l’UNESCO, l’enquête en cours lancée par l’ISU sur la priorisation des indicateurs mondiaux de la culture pour soutenir le suivi des ODD, ainsi que les efforts liés aux données collectées par d’autres organismes internationaux ou régionaux, soutiendront les efforts des États membres dans cette entreprise. Les données collectées et produites par les organisations de la société civile pourraient également être plus systématiquement valorisées dans le cadre des politiques publiques. Une approche proactive et globale, s’appuyant à la fois sur des données comparables au niveau mondial et sur un large éventail de données quantitatives et qualitatives, sera déterminante pour dessiner avec davantage de précision le paysage de l’économie créative, tant en ce qui concerne son poids économique que sa contribution au développement durable.

À l’avenir, un partenariat mondial renouvelé s’impose pour mieux soutenir l’économie créative et valoriser pleinement le potentiel de sa contribution au développement durable. La COVID-19 a joué un rôle d’accélérateur pour favoriser une plus grande reconnaissance du poids économique du secteur culturel, ainsi que pour encourager et élaborer des partenariats en vue de la relance du secteur culturel, notamment avec des partenaires régionaux et des banques de développement. En conséquence, un nombre croissant de partenaires internationaux et régionaux, y compris des institutions financières, ont exprimé un intérêt renouvelé pour soutenir l’économie créative en tant qu’atout de compétitivité, moteur de la relance et élément essentiel des stratégies de durabilité. La organisée par l’UNESCO en avril 2020, ainsi que le dialogue stratégique entre l’UNESCO et un certain nombre d’organisations intergouvernementales régionales et de banques de développement mené ces derniers mois, donneront un nouvel élan à cette dynamique mondiale. L’Année internationale de l’économie créative pour le développement durable offrira également une plateforme pour favoriser les synergies et les alliances entre l’UNESCO et d’autres agences impliquées à différents niveaux dans le soutien à l’économie créative, notamment la CNUCED, la Banque mondiale et l’OMPI, en s’appuyant sur le mandat unique de l’UNESCO sur la culture au sein du système des Nations Unies – renforçant ainsi la cohérence et l’efficacité du soutien à l’économie créative à l’échelle des Nations Unies.