Sahar (27 ans), médecin et entrepreneure sociale de Sfax, en Tunisie, offre un regard nouveau sur les jeunes de sa communauté, qu’elle considéré comme des agents du changement clés lorsqu'il s'agit de consolider la paix et de faire progresser le travail de la société civile.
Sahar est engagée dans la société civile depuis sa dernière année de lycée, en 2011, durant laquelle elle a été à l'avant-garde du changement et de la révolution. Si avant, Sahar se tournait vers l'écriture qu'elle considérait comme le seul moyen d’exprimer ses opinions sur des causes allant des droits de l'homme à la protection des minorités, son engagement citoyen en 2011 a été un véritable tournant. C’est à ce moment qu’elle a décidé de lâcher sa feuille de papier pour organiser des manifestions dans les lycées de sa ville, ainsi que des évènements culturels comment des expositions d’art, soudant la communauté et lui permettant de discuter des problèmes affectant la jeunesse.
Sahar a une formation en médecine et ses passions sont principalement axées autour de la neuroscience. Cependant, d’autres passions s’y sont ajoutées comme une évidence lorsqu’elle était à peine adolescente : les droits de l’homme, le changement climatique et la consolidation de la paix. Elle a alors découvert le travail de la société civile et l'entrepreneuriat social via diverses associations, dont IWATCH, la première organisation de lutte contre la corruption en Tunisie. Appartenir à l’équipe de I WATCH, qu’elle considère comme un modèle, lui a fait découvrir qu'elle ne cherchait pas à faire « des formations ou des projets à court terme, mais à construire quelque chose dont l’impact serait davantage à long terme ».
Cette expérience a été un tournant pour Sahar, qui a décidé de créer sa propre entreprise sociale en avril 2019, avec deux de ses amis : EXOZONE Cet espace de coworking a pour objectif de promouvoir l'entreprenariat sociale tout en sensibilisant les jeunes aux questions écologiques. Ils espèrent créer une nouvelle génération de jeunes consciente de la crise climatique, Sfax étant la ville la plus polluée de Tunisie. « On essaie de changer les mentalités des plus jeunes pour qu’ils agissent et qu’un vrai changement s’opère dans les prochaines années », explique Sahar. Selon elle, c’est indispensable car même si la région prospère économiquement, elle connaît les taux de pollution les plus élevés de Tunisie. Organiser des expositions de produits bio et promouvoir des sessions de sensibilisation écologique font partie des activités principales de ECOZONE, utilisant ces activités pour renforcer la cohésion sociale entre les jeunes de la communauté par la même occasion.
Lors de sa participation aux débats organisés dans le cadre du projet de l’UNESCO et de UNOCT sur la prévention de l’extrémisme violent (PEV), Sahar a expliqué comment ECOZONE utilisait l'entrepreneuriat social comme outil de lutte contre l'extrémisme violent. « Le travail d’ECOZONE consiste à donner aux jeunes une autre perspective ou une source d’espoir par rapport à leur avenir. Généralement un jeune se retrouve dans les mailles de groupes extrémistes par manque de perspective, par absence de soutien et d’accompagnement vers l’âge adulte. C’est pourquoi le fait de développer l’esprit critique et les compétences des jeunes va indirectement les rendre moins vulnérables face aux discours extrémistes ». Selon Sahar, l’empathie est aussi une composante clé dans l’accompagnement des jeunes d’ECOZONE. « Sfax est une région relativement conservatrice, où vous êtes jugés sur votre image et votre famille, ce qui rend les jeunes assez fermés et casaniers. C’est important de leur dédier une structure dans laquelle ils peuvent faire confiance à d’autres jeunes, être soutenu et compris par leurs pairs ».
Au-delà de l’entreprenariat, ECOZONE utilise le débat comme moyen de prévenir l’extrémisme violent. En collaboration avec l’organisation de jeunesse iiDebate et project UNESCO-UNOCT sur la PEV, Sahar, également formatrice en débat, a organisé une série de compétitions de débats et de « coffee talks » à ECOZONE. « L’entreprenariat, le débat, l’art et toute forme d’expression sont les meilleurs outils pour renforcer les capacités des jeunes. Développer leur confiance, leurs talents et leur esprit critique garantit leur résistance face aux dangers de l’extrémisme violent ».
Sahar a également travaillé sur la PEV à travers le projet « Bibliothèque Humaine », qui permet à des personnes victimes de stéréotypes et de discours de haine (basés sur la race, le statut d'immigrant, etc.) de partager leurs récits et leurs expériences afin de créer une société plus inclusive et tolérante. Sahar a elle-même organisé un de ces rendez-vous, rassemblant plus de 250 personnes. « Ce projet a eu un impact énorme. Sa valeur ajoutée se trouve dans le fait que ce qui se produit dans l’esprit des gens, lors de ces évènements, conduit à un changement durable en termes d’empathie et de tolérance ».
Pendant la pandémie, Sahar a continué à s’investir dans ECOZONE, en développant une plateforme appelée Eventizer, qui lui a permis d’organiser des évènements virtuels. Ainsi, ECOZONE a organisé plusieurs sessions d'information sur la réglementation COVID-19, ainsi que des groupes de thérapie en ligne adaptés aux besoins psychologiques individuels des jeunes. De retour dans le secteur médical, Sahar a également participé à la création d'une application permettant d'évaluer si les symptômes d'une personne étaient urgents, si elles devaient rester chez elle ou si elle ne doit pas être alarmée, afin de réduire le nombre de personnes contactant les services d'urgence.
Aujourd’hui, Sahar résume son parcours par une devise : « lorsque l’on se développe, le chemin que l’on prend importe bien plus que le résultat », et elle compte bien continuer à mélanger ses compétences entrepreneuriales avec sa nature empathique pour améliorer la qualité de vie des jeunes Tunisiens.
© UNESCO
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