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Impact de la COVID-19 en Afrique de l’Ouest et du Centre : Préserver la liberté d’expression et la sécurité des journalistes

Les Bureaux régionaux de l’UNESCO pour l’Afrique de l’Ouest (Sahel) et du Centre ont organisé les 29 et 30 juillet 2020, une Consultation régionale en ligne, pour analyser l’impact de la COVID-19 dans le secteur des médias afin de dégager des pistes d’actions visant à favoriser le développement des médias et préserver la sécurité des journalistes.
Les travaux de la deuxième journée de la consultation ont porté essentiellement sur les thèmes tels que : liberté d’expression, sécurité des journalistes, utilisation des TIC et continuité des services dans les médias. Les discussions se sont articulées autour de cinq présentations faites par M. Pa Louis Thomasi, Directeur Bureau Afrique de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Mme Amina Niandou, Présidente de la Section du Niger de l’Association des Professionnelles Africaines de la Communication (APAC-Niger) et Pr Jose Mutangadura de l’Université du Zimbabwe, pour la première thématique ; M. Mamane Jarahou, Président de l’Observatoire pour l’Ethique et la Déontologie et membre du Conseil Supérieur de la Communication au Niger et M. Justin Areinstein, Directeur Général de CodeforAfrica pour la seconde thématique.
« Notre constat sur le terrain est qu’en Afrique de l'Ouest et du Centre, les gouvernements sont pressés d'utiliser la pandémie pour faire taire les journalistes »,
averti M. Pa Louis Thomasi, Directeur Bureau Afrique de la Fédération internationale des journalistes (FIJ). L’expert note que la pandémie est devenue une opportunité pour opprimer les médias. Dans sa présentation il déplore les multiples restrictions mises en place dans les pays qui ont conduit de facto au contrôle de l’information sur la COVID-19, par les Etats étant les, seules sources. Par ailleurs, plusieurs participants ont relevé que quelques initiatives des journalistes pour recouper l’information, ou donner la parole à des personnes autres que les officiels, ont donné lieu à des suspensions ou menaces de la part des autorités. Les quelques pays avec des cas emblématiques de harcèlement et menace contre les journalistes, en cette période de pandémie, sont la Sierra Léone, la Guinée Bissau et le Tchad. Ce qui pose le problème de la vérification de l’’information par des journalistes très souvent victimes de harcèlement comme en Sierra Leone, en Guinée Bissau et au Tchad.
A la suite de M. Thomasi qui note que les Etats ne peuvent pourtant pas lutter contre la COVID-19 sans les médias, le Pr Jose Mutangadura de la Zimbabwe Open University souligne dans son exposé la nécessité d’un travail et d’une liberté sans restriction pour les journalistes responsables. Evoquant la situation du Zimbabwe, il fait remarquer que cinq journalistes, connus pour avoir écrit sur le sujet de la COVID-19 en exposant certaines réalités inconnues du grand public, ont été arrêtés sur la base d’accusations sans fondement.
Mme Amina Niandou, Présidente de la Section du Niger de l’Association des Professionnelles Africaines de la Communication (APAC-Niger), confirme cette traque des journalistes dans son pays. Les cas d’arrestation sont légion, rapporte-t-elle. « Avec l’application du couvre-feu qui a accentué la restriction des mouvements des journalistes, les mesures barrières nécessaires à la limitation de la propagation de la maladie sont devenues des instruments contre la liberté d’expression des journalistes », déplore t-elle.
Par ailleurs, limités sur le terrain, les journalistes désireux d’enrichir l’information de base à partir de recherches documentaires crédibles par le moyen des TIC, se sont heurtés au problème de formation et de défis logistiques. Dans son exposé, M. Mamane Jarahou, Président de l’Observatoire pour l’Ethique et la Déontologie et membre du Conseil Supérieur de la Communication au Niger, souligne les nombreuses insuffisances révélées dans ce domaine, notamment en matière de maîtrise d’outils technologiques, d’accès à internet, etc. Il note tout de même une certaine révolution des médias, de par un certain nombre de rapports :
« Au niveau de la presse écrite par exemple, une migration a eu lieu vers le numérique, sur des plateformes digitales telles que Twitter, Facebook ; les radios ont trouvé quant à elles le moyen d'atteindre leurs publics à travers le contenu WhatsApp et nous avons vu au Niger la prolifération des web TV ».
Pour M. Justin Areinstein, Directeur Général de CodeforAfrica, « les médias doivent recevoir les outils d'aujourd'hui pour savoir comment réagir et rendre l'information compréhensible ». Son exposé pratique a permis aux participants et participantes de visualiser comment il est possible pour les médias, de numériser les documents de recherche ou d’avoir accès à des documents sur une plateforme pour améliorer l'information de base ; d'utiliser des outils technologiques gratuits et facile à manipuler pour exploiter l’information, engager les audiences et leur donner un accès à la bonne information. De son point de vue, il ne s’agit pas seulement de penser à des solutions numériques pour les médias, il s’agit aussi de voir comment utiliser la technologie pour donner à la communauté les outils nécessaires d’accès à la bonne information.
A la suite de ces exposés, les travaux de groupes ont abouti à une quarantaine de recommandations. Entre autres : la mise en place d’une assistance judiciaire en cas d'interpellation des journalistes en litige avec les pouvoirs publics ; la mise en place un fonds d'aide aux organes de presse pour permettre aux journalistes d’exercer en toute sécurité ; l’écriture d’un recueil de tous les textes de protection des journalistes en Afrique ; la formation des journalistes africains aux outils technologiques et au fact-cheking, etc.
Ouverte par le Directeur du Bureau régional de l’UNESCO à Dakar, M. Dimitri Sanga, la cérémonie de clôture de la consultation régionale s’est faite en présence de Mme la Secrétaire Générale du Ministère de la Communication du Burkina Faso, représentant Dr. Remis Fulgence Dandjinou, Ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement. « Le thème sur lequel vous avez planché est une actualité brûlante », a-t-elle déclaré. Reconnaissant que les médias publics et privés de son pays ont toujours répondu présents dans la lutte contre la pandémie depuis le début de la crise, elle a souligné le fait que
« ces héros de la lutte contre la COVID-19 ont aussi subi les effets pervers de la pandémie mondiale. En plus de la crise causée par le ralentissement des activités économiques, les médias se sont retrouvés privés de leurs recettes notamment publicitaires ».
« La situation est délicate mais l'avenir ne me paraît pas complètement sombre. Cette crise peut permettre aux journalistes de se réinventer et de renaître de la meilleure des manières ».
Une renaissance qui passera certainement par l’implication de tous les acteurs. A cet effet, l’UNESCO a invité ses partenaires des secteurs public et privé « à contribuer à aplatir la courbe de l'impact de la COVID-19 sur les médias », en suivant les recommandations formulées au cours de cette consultation régionale organisée dans le cadre de l’initiative « les Laboratoires de la COVID-19 », lancée par le Bureau de l’UNESCO à Dakar. Un appel lancé par M. Dimitri Sanga, qui a assuré la détermination de l’UNESCO à suivre de près la situation des médias dans ce contexte de crise et dans la relance post-COVID.