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Journée d’échange entre Migrants et Journalistes

" Ce sont mes amis qui ont réussi à traverser, qui m'ont poussé à partir. Mais ils ne m'ont pas expliqué tous les risques qu’il y’avait, à partir par la route. J'étais loin d'imaginer que ça aurait pu tourner ainsi. J'ai été vendu comme esclave, battu, torturé et emprisonné plusieurs fois et pendant plus de trois mois par les trafiquants. Et à chaque fois, mes parents ont été obligés de payer pour me faire libérer. Ils ont dépensé plusieurs millions comme rançon", raconte Abdoulaye Touré, l'un des participants à la journée d'échange avec des migrant Guinéens de retour et des migrants résidents en Guinée-Conakry.

 

Cette rencontre a eu lieu le mardi 16 mars, à la Maison de la Presse de Guinée, organisée par l'Association des Femmes Journalistes de Guinée (AFJ-G), avec le soutien de l'UNESCO. Elle s'inscrivait dans le cadre du projet "Autonomisation des jeunes et lutte contre la migration irrégulière en Afrique à travers les médias ", financé par Ministero degli Affari Esteri e della Cooperazione Internazionale (MAECI) via l'Agence italienne pour la coopération au développement (AICS) à travers le "Fondo Africa".

 

Les discussions ont porté sur les risques de la migration, le retour et la réintégration des migrants Guinéens de l’Europe et les opportunités de réussites de migrants en Guinée-Conakry ou dans les pays frontaliers. Comme l'a dit Abdoulay, la route de la migration est pleine d'insécurité, de mensonges, et même de mort. Le fait d'éviter de reconnaître la vérité et les risques que l'on peut rencontrer sur le chemin conduit à une souffrance supplémentaire pour ceux qui s'embarquent dans ce voyage. Un jeune rapatrié se souvient : " J'ai tout abandonné pour partir avec mes petites économies. Malheureusement, mon unique frère, qui me soutenait aussi, , est décédé quelques mois après mon départ. Et quand je suis revenu aussi, j'ai eu du mal à quitter la maison...Si j’avais su que j’allais traverser toutes cette souffrance pour rien, je serais resté. L’argent que j’ai investi pour mon voyage, aurait pu me servir à quelque chose ici en Guinée. J’ai dû reprendre ma vie à zéro".

 

Les médias sont toujours jugés essentiels pour accroître l'accès du public à l'information sur les questions de migration afin d'informer les gens, en particulier les jeunes, sur les risques et les opportunités de mouvement. Le manque d'informations adéquates et fiables sur les déplacements a exposé les personnes à des conditions risquées, notamment la traite des êtres humains, le trafic d'êtres humains, les viols, le travail des enfants et les abus.

 

Au fil des ans, de nombreux lancements de communication ont été initiés afin de canaliser plus d'informations sur les mouvements et la migration vers une population plus large à travers différentes plateformes. Cet événement a également été l'occasion de désigner les lauréats du deuxième prix "Yaguine et Fodé", qui vise à récompenser la meilleure production médiatique sur la migration. Ce concours est ouvert aux journalistes de la radio, de la télévision, de la presse écrite et en ligne, aux photojournalistes et aux blogueurs de Guinée-Conakry. Il vise à encourager la production et la diffusion de reportages de qualité sur les migrations afin de donner plus de sens à la circulation légale dans la société au sens large.

 

Cette année, le concours était axé sur les trois thèmes suivants : l'impact de COVID-19 sur la migration, la voix légale de la migration et la traite des êtres humains. Trois gagnants de chaque catégorie ont été récompensés par un ordinateur portable et un enregistreur numérique. Une cérémonie officielle de remise des prix sera organisée le 3 mai 2021, à l'occasion de la journée internationale de la liberté de la presse célébrée chaque année par l’UNESCO.

 

Comme l'a laissé entendre le président de l'Association des professionnels de la communication (APAC), Asmaou BARRY, la migration est un sujet d'actualité qui mérite d'être largement couvert par les médias pour éviter que les jeunes candidats à la migration ne s'embarquent vers l'inconnu pour mourir dans le désert ou la Méditerranée. Il ne s'agit pas seulement de publier des chiffres lorsqu'il y a un naufrage et que des Guinéens sont impliqués ou lorsqu'il y a des migrants retournés avec l'aide de l'OIM. Les journalistes doivent enquêter pour aider à démasquer les réseaux de passeurs et déconstruire le discours selon lequel la migration est mauvaise en soi.

 

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), la Guinée est le deuxième pays subsaharien pour les migrants irréguliers sur la côte occidentale, avec environ 2 411 Guinéens arrivés sur le sol italien en 2019 contre 7 121 en 2018 et 13 839 en 2017.