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Questions-réponses : Les données sur l’éducation dans les situations d’urgence et les systèmes nationaux d’information sur la gestion de l’éducation

Selon l’ il est nécessaire, pour pouvoir utiliser efficacement des données, que celles-ci soient exploitables, accessibles à tous ceux qui sont en position d’agir et présentées sous une forme convenant à chaque groupe de parties prenantes. Malheureusement, dans certains contextes les données éducatives sont inexactes, obsolètes, incomplètes ou inexistantes, ou encore inaccessibles à une large base d’utilisateurs. Cette situation est d’autant plus complexe pour des groupes marginalisés comme les apprenants en déplacement (par exemple, les personnes déplacées intérieures, les réfugiés, les rapatriés et les migrants vulnérables), les personnes handicapées, les filles (en particulier les adolescentes exposées au risque de mariage forcé et précoce ou de grossesse précoce) et les élèves dont l’âge est supérieur à l’âge approprié. L’absence de données et d’éléments factuels fiables est un facteur essentiel qui contribue à réduire la couverture des besoins éducatifs dans les situations de crise. Les parties prenantes nationales et internationales (par exemple, les ministères de l’É»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ç²Ô, les ONG, les ONG internationales, les agences des Nations Unies) impliquées dans la préparation aux urgences humanitaires, l’intervention et le relèvement ont besoin d’informations précises sur les groupes les plus vulnérables et sur la situation de l’éducation dans le pays afin d’évaluer avec précision les ressources et les services éducatifs nécessaires à une prestation efficace et efficiente.
Dans certaines régions géographiques, l’insécurité et les déplacements forcés contribuent aussi à la collecte et à l’utilisation de données de mauvaise qualité, inexactes, incomplètes, qui ne sont pas à jour et qui ne sont pas coordonnées. De ce fait, les programmes d’intervention dans le domaine de l’éducation ne sont pas toujours adaptés aux véritables défis et ils ne répondent pas aux besoins éducatifs prioritaires des apprenants dans ces zones. Les données existantes sur l’éducation fournissent une indication sur le nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l’échelle mondiale, mais elles ne sont fondées que sur des estimations et sur des méthodes de collecte variables. Des divergences peuvent apparaître dans les données en raison d’une désagrégation par pays d’origine ou par pays hôte. Souvent, les données ne fournissent pas d’informations sur le sexe et l’âge, les handicaps et les niveaux d’éducation et d’autres informations pertinentes pour assurer la scolarisation.
Concernant les enfants handicapés, la COVID-19 a exacerbé les défis relatifs à l’offre de possibilités d’apprentissage à distance après la fermeture des écoles, car peu de données désagrégées étaient disponibles pour élaborer des ressources et des lignes directrices accessibles à tous les apprenants. Le recueil des données désagrégées requises concernant l’impact de la COVID-19 sur l’éducation, y compris sur les résultats d’apprentissage des apprenants handicapés, constituera une première étape pour élaborer des plans de relèvement et de réouverture fondés sur des données probantes. À cette fin, la collecte de données, l’analyse, une planification sectorielle fondée sur des données probantes, le financement et la mise en œuvre des interventions doivent tenir compte des lacunes existantes, lesquelles se sont probablement creusées après la crise de COVID-19.
Les systèmes d’information institutionnels, notamment les SIGE, sont souvent incapables de s’adapter à la nature complexe et rapidement évolutive des situations de crise, et ils ne disposent pas d’indicateurs sensibles aux crises ou de données de qualité pour de tels indicateurs. Il est donc possible que des systèmes de données sur l’éducation humanitaire soient mis en place parallèlement aux systèmes nationaux et que les données ne soient pas facilement harmonisables ou intégrables entre elles, ce qui aggrave la fracture entre l’humanitaire et le développement.
Pourquoi les données sur l’éducation dans les situations d’urgence (EiE) sont-elles essentielles et comment peuvent-elles informer la planification de l’éducation et les mécanismes de réponse institutionnels ?
Dans une période où une crise humanitaire dure en moyenne plus de neuf ans et où le déplacement est estimé à une dizaine d’années environ pour les réfugiés, des systèmes d’information institutionnels résilients alliant des considérations humanitaires et du développement deviennent de plus en plus pertinents. Le renforcement des capacités de collecte et d’utilisation de données de qualité liées aux crises permettra aux autorités nationales de jouer un rôle de leadership plus efficace dans la planification de la préparation à l’EiE et il contribuera à promouvoir la continuité entre les interventions d’urgence et le relèvement à long terme.
Pour développer des systèmes résilients et réactifs de façon efficace et durable, les autorités éducatives doivent fournir des données sur l’EiE qui soient de qualité et pouvoir y accéder pour faciliter une robuste prise de décision fondée sur des données probantes dans les situations de crise.
Des données éducatives quantitatives et qualitatives, de qualité, à jour et accessibles, contribuent à une meilleure compréhension des lacunes et des forces des systèmes éducatifs pour répondre aux besoins éducatifs spécifiques. Un examen approfondi de ces données ouvre la voie à l’élaboration de stratégies, de politiques et de plans nationaux destinés à assurer la sécurité, la protection et l’apprentissage de tous les enfants. Il n’y a pas de protection sans éducation, et les données jouent dans ce contexte un rôle essentiel.
En outre, en adaptant les systèmes de données institutionnels aux besoins et aux processus internationaux en matière de données tout en reflétant les réalités spécifiques des pays, les autorités et leurs partenaires renforceront leurs capacités de suivi des progrès accomplis dans la réalisation de l’ODD4. En conséquence, les institutions nationales et leurs partenaires seront davantage sensibilisés à la nécessité et aux bénéfices qu’apporte le soutien à l’éducation dans les situations de crise.
Que faut-il faire pour adapter les systèmes d’information à une planification et à une gestion de l’éducation sensibles aux crises ?
L’environnement institutionnel inclut « les lois, les politiques, la structure, les processus, les ressources et la culture axée sur les données entourant un SIGE, qui rendent possible la collecte, la gestion, l’utilisation et l’accès aux données ». À cet effet, pour créer dans les contextes touchés par une crise un environnement propice à l’amélioration de la collecte et de l’utilisation des données par les systèmes nationaux, les efforts devraient se concentrer sur :
- L’amélioration des cadres juridique, politique et institutionnel qui institutionnalisent et mettent en œuvre l’utilisation d’un SIGE. En Palestine, par exemple, l’absence de politique spécifique de collecte et l’émergence de besoins supplémentaires en données ont conduit la plupart des directions techniques du ministère à développer des systèmes spécifiques de gestion de l’information qui sont utilisés en parallèle et ne génèrent pas un panorama unifié et cohérent du système éducatif.
- La capacité, que ce soit en termes techniques ou financiers, en ressources humaines et en infrastructures, de recueillir et d’utiliser des données pour guider les interventions dans les situations de crise. Par exemple, au Soudan du Sud où les enseignants sont les principales sources d’information, la culture des données est reconnue comme étant un défi car certains enseignants ne sont pas en mesure de remplir correctement les questionnaires ; les faibles niveaux de formation des enseignants, conjugués à des niveaux de rotation élevés en rapport avec des salaires faibles et incohérents, sont cités comme constituant des problèmes de capacité pour la collecte de données ;
- Le renforcement de la coordination entre les parties prenantes, notamment entre les ministères de tutelle, comme clé d’une collecte et d’une utilisation efficaces des données en toutes circonstances. Une coordination axée sur les données peut contribuer à améliorer la préparation et la réponse, à optimiser l’utilisation de ressources limitées et à renforcer la cohérence entre l’aide humanitaire et le développement. Par exemple, en Éthiopie, il n’y a pas d’interaction optimale entre le Groupe de travail sectoriel, le Groupe sur l’éducation et le Groupe de travail sur l’éducation des réfugiés ; les membres clés du Groupe sur l’éducation ne sont pas tenus au courant de l’examen du plan sectoriel de l’éducation en cours, ni des efforts de planification sensibles aux crises. La non-connaissance des activités des uns et des autres est soulignée à maintes reprises par les partenaires.
Des données de qualité, à jour et pertinentes permettent aux acteurs de l’éducation de prendre des décisions éclairées et coordonnées afin de relever une grande diversité de défis au sein du système éducatif. Dans les contextes touchés par une crise, la disponibilité des données démographiques peut varier. Ces données peuvent être très dépassées, comme c’est le cas au Soudan du Sud où le dernier recensement de la population a eu lieu en 2008 ; ou elles peuvent être difficiles à capturer avec précision au niveau infranational en raison du déplacement interne, comme c’est le cas en Éthiopie. Il est donc difficile de se faire une idée précise du nombre d’enfants et de jeunes non scolarisés, et encore plus de faire des comparaisons au fil du temps, ce qui peut dissimuler des différences à l’intérieur des régions et entre elles.
Pour que les données du SIGE soient pertinentes et utiles pour soutenir la préparation et la réponse, elles doivent être sensibles aux crises. Les données devraient permettre aux autorités nationales de détecter les risques de crise et les vulnérabilités des apprenants, des éducateurs et des infrastructures et, par conséquent, de mettre en place des mesures visant à atténuer leur impact sur la qualité et la continuité pédagogique. Dans l’idéal, cela signifie que l’on mette l’accent sur des populations spécifiques, notamment les réfugiés et les personnes déplacées, ainsi que sur les apprenants qui ont des besoins éducatifs spéciaux, et que l’on inclue des indicateurs pertinents pour l’EiE qui ne font peut-être pas partie d’un SIGE plus conventionnel. Ces données peuvent aider à anticiper, identifier, comprendre et traiter les conséquences différentielles de la crise dans tout le système éducatif.
Diffusion et utilisation des données : les données ne sont souvent accessibles qu’au sein des organisations responsables de leur collecte. Il arrive souvent qu’elles ne soient pas rendues publiques, ou qu’elles le soient dans un format non convivial. Plusieurs raisons expliquent que les organisations ne partagent pas les données ou ne les rendent pas publiques. En premier lieu, le processus peut être long, car il faut anonymiser les données et les mettre à disposition en respectant des normes de protection et d’éthique. Les organisations peuvent bénéficier d’un avantage concurrentiel si elles disposent de certaines données que d’autres n’ont pas, ce qui peut se traduire par de nouveaux avantages en termes d’allocation de financement pour certaines. Ceci constitue un problème d’action collective, car toutes les organisations pourraient bénéficier d’une disponibilité accrue des données existantes, mais il n’y a pas d’incitation à le faire pour toutes. Une façon de surmonter ce problème consiste à conclure des accords spécifiques de partage de données entre des organisations. En fin de compte, on espère qu’en passant davantage d’accords de partage des données, on parviendra à un changement culturel dans le secteur, et que le partage des données deviendra la norme.
Au Soudan du Sud par exemple, les mécanismes inadéquats de diffusion des données en général entre les acteurs de l’éducation, et plus particulièrement au ministère de l’É»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ç²Ô générale et de l’Instruction, sont mis en avant comme formant un obstacle majeur à l’utilisation des données et comme l’une des principales raisons pour lesquelles il existe des activités parallèles de collecte de données entre les parties prenantes de l’éducation.
Qui participe au renforcement des systèmes et des données d’information sur l’éducation institutionnels pour accroître la résilience ?
Pour accroître la résilience, les systèmes éducatifs dans leur totalité ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre d’une planification et d’une gestion de l’éducation axées sur les données et sensibles aux crises.
Les organisations humanitaires et de développement peuvent contribuer à améliorer la coordination en matière d’EiE et de données en impliquant les partenaires humanitaires et de développement dans les mécanismes de coordination. Les processus liés à l’examen ou à l’actualisation du SIGE et/ou des outils spécifiques du SIGE (par exemple, questionnaires, recensements scolaires annuels) bénéficieraient du soutien des organisations humanitaires et de développement pour déterminer les données à recueillir et comment les analyser le plus efficacement possible. La participation des autorités nationales est précieuse pour l’examen et l’élaboration de stratégies et d’outils liés à la collecte de données par des organismes de coordination humanitaire tels que le Groupe sur l’éducation.
Les enseignants et le personnel éducatif sont des sources essentielles d’information et ils procèdent souvent de façon continue à des évaluations et au recueil de données. Ils évaluent les résultats scolaires des élèves, examinent le matériel d’apprentissage utilisé et évaluent leur propre pédagogie selon un mode itératif.
Les parents, les tuteurs et les collectivités en général constituent une source importante d’information sur les facteurs qui interviennent en dehors de l’école et qui déterminent si un élève a accès à l’éducation, décroche ou apprend. Les données sur les obstacles à l’éducation des garçons et des filles réfugiés, par exemple, ou sur la modalité d’éducation que les parents préfèrent pour leurs enfants peuvent être recueillies au moyen d’exercices d’évaluation avec les familles et les communautés.
Que fait l’UNESCO pour renforcer les données sur l’éducation afin d’accroître la résilience dans les situations de crise ?
Prenant en compte les nouvelles pratiques prometteuses mondiales en matière de données sur l’EiE, l’ en partenariat avec et , et avec le soutien de la répond au besoin de données de qualité, à jour et accessibles pour assurer un accès continu à une éducation de qualité et à des espaces d’apprentissage sûrs pour tous, en particulier pour les enfants et les jeunes vulnérables dans les contextes touchés par une crise. Après avoir analysé les besoins et les opportunités en Éthiopie, en Ouganda, en Palestine, au Soudan du Sud, en Syrie et au Tchad, l’UNESCO fournit maintenant un soutien au niveau des pays – en Éthiopie, au Soudan du Sud et au Tchad – tout en œuvrant en faveur d’initiatives régionales et mondiales afin de promouvoir l’alignement des données recueillies et utilisées par les autorités éducatives et l’ensemble de la communauté.
L’approche envisagée par le projet proposé se focalise sur l’adaptation des systèmes d’information institutionnels tout en contribuant à l’alignement entre les ensembles de données référencés par les partenaires humanitaires et de développement et les autorités éducatives. Il s’agit de décourager la création de systèmes d’information fragmentés et parallèles qui font obstacle à une compréhension cohérente et globale des besoins prioritaires et des progrès, ainsi qu’à l’identification et à l’inclusion des groupes les plus marginalisés (par exemple, réfugiés et personnes déplacées, filles, enfants travailleurs, etc.).
Les systèmes institutionnels d’information sur l’éducation qui existent dans les pays cibles seront soutenus pour générer des données sur l’EiE – en fonction de besoins et de normes définis conjointement – et les décideurs clés à tous les niveaux du système éducatif auront une capacité accrue d’utiliser conjointement l’information pour la préparation aux situations d’urgence, l’intervention et le relèvement. Le projet examinera également les meilleurs moyens d’intégrer les évaluations des besoins aux systèmes d’information utilisés par les ministères de l’É»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ç²Ô et, pour les partenaires humanitaires et de développement, de contribuer à la collecte institutionnelle de données.
En outre, les autorités éducatives nationales renforceront leurs capacités de coordination en orientant les efforts conjoints d’évaluation et de programmation de l’EiE en vue de promouvoir la collaboration entre les partenaires et de s’attaquer aux obstacles systémiques à l’éducation des enfants et des jeunes touchés par une crise.