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Questions-réponses : UNESCO et Office for Climate Education — Dynamiser l’action pour le climat par l’apprentissage

2021 est une année importante pour l’action pour le climat. La (EDD) et la COP 26, qui se tiendront respectivement en mai et novembre prochains, seront fondamentales pour renforcer l’éducation au changement climatique dans le monde et donner aux individus les moyens de créer des sociétés durables.
L’éducation est essentielle pour promouvoir l’action pour le climat, raison pour laquelle l’UNESCO et la France ont créé, en 2020, l’ (OCE), un centre ayant vocation à favoriser l’éducation au changement climatique à travers le monde.
À l’occasion de la Journée de la Terre, la Sous-Directrice générale de l’UNESCO pour l’éducation, Mme Stefania Giannini, et le Président de l’OCE, M. Eric Guilyardi, ont répondu à nos questions sur l’éducation et l’action pour le climat.
Le changement climatique est l’un des principaux défis de notre époque. D’après une étude de la NASA, 2020 a été l’une des années les plus chaudes jamais enregistrées, et la température moyenne sur Terre a augmenté de plus de 1,2 °C depuis le XIXe siècle. Mme Giannini, dans quelle mesure l’éducation peut-elle contribuer à l’action pour le climat ?
Mme Giannini : L’humanité a une influence croissante sur la température de la Terre, du fait de l’utilisation des combustibles fossiles, de la déforestation et de l’élevage. Le seul moyen de lutter contre le changement climatique est de transformer nos modes de vie et de créer des modèles de production et de consommation durables partout dans le monde.
L’éducation au changement climatique est de plus en plus reconnue par la communauté internationale en tant que priorité de l’action pour le climat. L’Accord de Paris, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et le programme Action pour l’autonomisation climatique reconnaissent tous que l’éducation est essentielle pour encourager l’action pour le climat.
L’éducation au changement climatique fait partie intégrante du , qui vise à transformer les sociétés en transformant l’éducation. L’objectif est de doter les personnes des connaissances, compétences, valeurs et attitudes nécessaires pour adopter un mode de vie plus durable, notamment en les sensibilisant aux causes et aux effets du réchauffement planétaire et en favorisant l’acquisition de compétences de résolution de problèmes ainsi que le développement de l’esprit critique, en vue de les inciter à agir.
Quelle est l’action de l’UNESCO dans ce domaine ?
Mme Giannini : Nous œuvrons pour donner plus d’importance et de visibilité au rôle de l’éducation dans la réponse internationale au changement climatique. Dans le cadre de la Stratégie de l’Organisation pour faire face au changement climatique, nous plaidons en faveur de l’éducation au changement climatique, nous produisons et partageons des connaissances, nous apportons un soutien au niveau des pays, nous donnons des conseils en matière de politiques, et nous mettons en œuvre des projets sur le terrain. Nous fournissons également des données sur les progrès réalisés par chaque pays, et facilitons le dialogue ainsi que l’échange d’expérience et de bonnes pratiques.
En 2020, par exemple, l’UNESCO a coorganisé avec la CCNUCC le huitième Dialogue sur l’action pour l’autonomisation climatique, et a élaboré un guide destiné à aider les pays à prendre en compte l’action pour l’autonomisation climatique dans leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) respectives, lesquelles sont au cœur de l’Accord de Paris et reflètent les efforts consentis par les pays pour réduire leurs émissions nationales. Citons également le projet « Faire face au changement climatique », à travers lequel l’Organisation aide les établissements scolaires à devenir respectueux du climat, et YoU-CAN, le Réseau UNESCO de jeunes pour l’action en faveur du climat.
Quelles sont les perspectives pour promouvoir l’action pour le climat par l’éducation ?
Mme Giannini : Cette année est particulièrement importante pour l’éducation au changement climatique. Lors de la Conférence mondiale sur l’éducation pour le développement durable, nous espérons mobiliser le soutien et l’engagement des gouvernements en faveur du nouveau cadre mondial de l’éducation en vue du développement durable, « L’EDD pour 2030 », dans lequel le changement climatique occupe une place centrale. La COP 26 devrait adopter un nouveau programme de travail sur l’action pour l’autonomisation climatique, qui comportera un volet É»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ç²Ô. Nous espérons que les gouvernements s’engageront en faveur de l’éducation au développement durable et encourageront la collaboration entre les secteurs de l’éducation et de l’environnement.
À l’initiative du gouvernement français, l’Office for Climate Education (OCE) a récemment acquis le statut de centre de l’UNESCO. M. Guilyardi, pourriez-vous préciser quels sont sa raison d’être et ses objectifs et activités principaux ?
M. Guilyardi : L’Office for Climate Education (OCE) a été créé en 2018 sous l’égide de la fondation française « La main à la pâte ». Notre objectif est d’éduquer les jeunes générations au changement climatique, à ses causes et à ses conséquences en fournissant outils et ressources aux enseignants du primaire et du secondaire, ainsi que d’encourager la coopération internationale entre organisations scientifiques, établissements d’enseignement et ONG. En 2020, l’OCE est devenu un centre de catégorie 2 de l’UNESCO, ce qui augmentera la portée et le poids de son action. Malgré le défi que représente le changement climatique, nos ressources et activités éducatives sont orientées vers l’action, l’espoir et la pensée positive. Nous préconisons l’utilisation de méthodes pédagogiques actives et l’application d’une approche interdisciplinaire de l’éducation au changement climatique qui tiennent compte des réalités locales et mondiales.
Depuis sa création, l’OCE met en œuvre une vision systémique articulée autour de quatre axes :
- produire, adapter et diffuser des ressources pédagogiques gratuites, ouvertes et multilingues sur le changement climatique, basées sur les rapports du GIEC ;
- offrir aux éducateurs et aux formateurs d’enseignants du monde entier des ateliers de perfectionnement professionnel et un soutien ;
- faciliter la collaboration intersectorielle entre divers acteurs, tels qu’institutions scientifiques, ONG et ministères de l’éducation, afin de mettre en œuvre des projets opérationnels sur le terrain ;
- aider les systèmes éducatifs et les responsables politiques à intégrer le changement climatique dans les programmes scolaires.
Quels sont les défis posés par la mise en œuvre de l’éducation au changement climatique ?
M. Guilyardi : En premier lieu, il y a l’absence de matières consacrées au changement climatique dans la plupart des programmes scolaires. Il n’est donc pas possible d’offrir aux enseignants un perfectionnement professionnel et des établissements de formation appropriés.
En deuxième lieu, les systèmes scolaires, surtout dans le secondaire, sont souvent structurés en disciplines distinctes les unes des autres. Or, on sait que l’éducation au changement climatique exige une approche interdisciplinaire, pour laquelle cette fragmentation peut constituer un obstacle.
L’acceptabilité sociale n’est plus un problème, étant donné que la majorité des parties prenantes ont pris conscience des défis posés par le changement climatique ainsi que de l’importance de l’éducation. Mais un nouvel obstacle est apparu du côté des élèves et des enseignants : l’éco-anxiété. La tâche des enseignants est difficile : ils doivent sensibiliser les élèves aux défis réels et de taille posés par le changement climatique, tout en présentant une vision positive de l’avenir. « Un esprit critique et un cœur plein d’espoir. »
Nous devons accompagner les enseignants pour qu’ils acquièrent à la fois une meilleure connaissance des problématiques liées au changement climatique et qu’ils se familiarisent avec les approches pédagogiques spécifiques requises par l’éducation au changement climatique : culture scientifique fondée sur l’investigation, esprit critique, apprentissage basé sur des projets, interdisciplinarité, etc.
Comment les établissements scolaires peuvent-ils collaborer avec l’Office for Climate Education (OCE) ?
M. Guilyardi : L’OCE encourage une approche horizontale du travail. Nous créons des ressources pédagogiques pour et avec les enseignants, par conséquent notre équipe est toujours prête à collaborer avec des établissements scolaires afin de savoir comment répondre au mieux aux besoins des enseignants du monde entier en matière d’éducation au changement climatique. En ce moment, par exemple, nous invitons les écoles à utiliser le kit pédagogique que nous venons de créer, baptisé Le climat entre nos mains.
Le premier volet de ce projet est consacré à l’océan et à la cryosphère, et comporte une série de ressources pédagogiques destinées aux enseignants du primaire et du secondaire, notamment un manuel, un résumé du rapport spécial du GIEC, des vidéos d’entretiens avec des experts, des animations et des expériences scientifiques. Toutes ces ressources sont gratuites, multilingues et libres de droits, et peuvent être utilisées par les enseignants pour un apprentissage à distance ou en présentiel afin de produire des connaissances et d’inciter à agir pour le climat. Les établissements scolaires peuvent eux aussi participer à la mise en œuvre de projets sur le terrain, en collaboration avec nos partenaires locaux (aujourd’hui en Amérique latine et en France, et demain dans d’autres régions du monde).
Mme Giannini et M. Guilyardi, que recommandent l’UNESCO et l’OCE pour renforcer à l’avenir l’éducation au changement climatique ?
M. Guilyardi : Il existe de multiples initiatives, partout dans le monde, qui peuvent être des sources d’inspiration. Ce qui manque, c’est que l’ensemble des parties prenantes — responsables politiques, concepteurs de programmes scolaires, enseignants, équipes administratives des établissements scolaires, etc. — mettent en place des actions cohérentes, efficaces et systémiques pour promouvoir l’éducation au changement climatique à grande échelle.
Mme Giannini : Il existe en effet un réel besoin de mettre en place des actions systémiques, ce qui n’est possible qu’avec l’aide des gouvernements. Lors de la Conférence mondiale de l’UNESCO sur l’éducation pour le développement durable, en mai, nous espérons consolider l’engagement politique à travers la « Déclaration de Berlin », qui inclura un appel à des mesures d’urgence pour accélérer la durabilité et l’action pour le climat par l’éducation. Par le biais de son nouveau cadre intitulé « L’EDD pour 2030 », nous lançons également des « initiatives nationales » dont l’objectif est de mobiliser diverses parties prenantes, notamment les jeunes, les éducateurs, les responsables politiques, la société civile et le secteur privé au niveau national, de façon à garantir une approche cohérente et coordonnée tout en favorisant la durabilité par l’éducation. Nous présenterons ensuite les résultats de la Conférence mondiale à la COP 26, lors de laquelle nous entendons renforcer la détermination des secteurs de l’éducation et de l’environnement à lutter contre le changement climatique par l’éducation.
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