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The Tracker Culture & Politiques publiques | Édition spéciale Issue n°2 : MONDIACULT 2022 à l'horizon

CE Tracker Countdown 2 - 1

La transformation numérique et le secteur culturel

L’ère numérique bouleverse l’ensemble du secteur culturel, de la sauvegarde du patrimoine à la diffusion muséale, en passant par les artistes et artisans en quête de nouveaux publics à l’échelle internationale, et la préservation de la diversité linguistique. La mise à l’arrêt à l’échelle planétaire qu’a entraîné la pandémie de COVID-19 a mis en lumière l’importance cruciale que la culture revêt en temps de crise, et a accéléré la nécessité de réévaluer les défis de la culture dans l’environnement numérique, y compris les droits des créateurs et le droit d’accès à la culture. Aujourd’hui, le rythme des changements est sensiblement exponentiel, s’étendant des technologies familières que sont les plateformes web et les réseaux sociaux, à l’émergence de nouveaux outils, de l’intelligence artificielle, à la blockchain, en passant par le big data et la réalité étendue (XR, qui inclut les technologies immersives comme les réalités augmentées, virtuelles et mixtes). Ces nouveaux outils ouvrent un champ des possibles dont nous n’avons pas encore pris toute la mesure.

L’impact des technologies numériques est particulièrement visible dans le secteur de la création. Elles offrent des opportunités bourgeonnantes de stimulation de la créativité, de distribution de biens et services culturels, ainsi que d’accès à de nouveaux marchés et de développement de modèles commerciaux innovants. Mais ces nouvelles technologies ont également reconfiguré toute la chaîne de valeur : de la création à la production, en passant par la distribution, l’accès et la participation, posant un nouveau défi. Ce nouveau modèle numérique n’est pas seulement une version modernisée d’un modèle traditionnel ; il est structurellement différent et nécessite une nouvelle approche. Chaque acteur de la chaîne ne contribue plus à ajouter de la valeur à un produit ou à un service pour ensuite le transmettre à l’étape suivante, à la manière d’un pipeline. Le modèle numérique se présente davantage en réseau, la donnée en son cœur, dans lequel les cinq processus se déroulent presque simultanément. Comprendre ce changement sous-jacent du modèle économique est essentiel pour comprendre comment concevoir au mieux les politiques publiques afin de tirer le meilleur parti du secteur créatif, qui, avant la pandémie, était l’un des secteurs à la croissance la plus rapide.

L’impact des technologies numériques est particulièrement visible dans le secteur de la création. Elles offrent des opportunités bourgeonnantes de stimulation de la créativité, de distribution de biens et services culturels, ainsi que d’accès à de nouveaux marchés et d construction de modèles commerciaux innovants. Mais ces nouvelles technologies ont également reconfiguré toute la chaîne de valeur : de la création à la production, en passant par la distribution, l’accès et la participation, posant un nouveau défi. Ce nouveau modèle numérique n’est pas seulement une version modernisée d’un modèle traditionnel ; il est structurellement différent et nécessite une nouvelle approche. Chaque acteur de la chaîne ne contribue plus à ajouter de la valeur à un produit ou à un service pour ensuite le transmettre à l’étape suivante, à la manière d’un pipeline. Le modèle numérique se présente davantage en réseau, la donnée en son cœur, dans lequel les cinq processus se déroulent presque simultanément. Comprendre ce changement sous-jacent du modèle économique est essentiel pour comprendre comment concevoir au mieux les politiques publiques afin de tirer le meilleur parti du secteur créatif, qui, avant la pandémie, était l’un des secteurs à la croissance la plus rapide.

La protection et la promotion des droits de l’homme et de la liberté de création, d’expression, d’information et de communication dans l’environnement numérique implique de soutenir les principes de l’universalité de l’Internet qui promeuvent un Internet fondé sur les droits de l’homme, les principes d’ouverture et d’accessibilité, et la participation d’acteurs multiples.

Directives opérationnelles de l’UNESCO sur la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique

PERSPECTIVE: Technologie numérique et droits d'auteur

Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)

 

Il existe des différences structurelles importantes entre les industries créatives et les autres secteurs plus traditionnels de l'économie. L’avenir du secteur de la création est également lié à une augmentation exponentielle de la quantité de contenus numériques et de données produits quotidiennement dans le monde entier. Les autorités juridiques, les créateurs et les gestionnaires doivent définir comment les structures et les contrats de propriété intellectuelle peuvent s'adapter à l'utilisation des nouvelles technologies et des formes d'échange « basées sur la confiance », telles que Blockchain, afin de renforcer la confiance dans les droits d'auteur individuels d'une manière qui complétera et étayera la législation existante.

 

Ce nouveau modèle économique du secteur créatif signifie toutefois que les modèles actuels de monétisation dans l’environnement numérique ne sont pas durables pour la plupart des artistes et professionnels de la culture. Bien qu’il n’ait jamais été aussi facile de partager des contenus artistiques et créatifs avec le reste du monde, paradoxalement il n’a jamais été aussi difficile d’être rémunéré pour le faire. Depuis les débuts de la pandémie, les artistes ont dû davantage investir dans le streaming et, pour tous, à l’exception des plus grands, celui-ci ne procure pas suffisamment de revenus pour soutenir une carrière professionnelle. Ceci se doit en partie au fait que les plateformes continuent de se développer, mais aussi au fait que l’économie du streaming reste complexe, géographiquement déséquilibrée et compétitive. Les artistes se font de plus en plus entendre sur la faible rémunération versée par les plateformes, qui représente un oligopole concentré dans certaines régions du monde.

Afin de fournir des environnements de travail décents et adéquats, nous devons garantir une rémunération équitable aux artistes et aux professionnels de la culture, en leur créant de bonnes conditions de travail, en leur assurant la sécurité sociale, une coopération respectueuse et des pratiques équitables, y compris un système renforcé de droits d'auteur.

Autriche, contribution écrite pour MONDIACULT 2022

L’une des répercussions de la pandémie et d’un changement radical vers la distribution numérique des biens et services culturels a été de démontrer clairement les conséquences pour les artistes. Le rapport Re|Shaping Policies for Creativity (Re|penser les politiques en faveur de la créativité) 2022 de l’UNESCO estime que 10 millions d’artistes ont perdu leur emploi au cours de cette période. Cela s’explique en partie par des modèles de rémunération inadaptés dans l’environnement numérique. Dans son la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) indique que 2020 a été marquée par une baisse mondiale des collectes de redevances pour les créateurs d’œuvres musicales, audiovisuelles, artistiques, dramatiques et littéraires de 9,9 %, avec des pertes de plus d’1 milliard d’euros. Ce recul a été partiellement atténué par une forte hausse des redevances numériques qui ont augmenté de 16,6 %, motivée notamment par la forte hausse de la consommation de streaming audio et vidéo dans le monde. Toutefois, le rapport conclut que les revenus numériques continuent d’enregistrer une sous-performance nette, représentant un peu plus du quart (26,2 %) du total des encaissements mondiaux. Cette inadéquation est particulièrement importante pour des secteurs tels que la musique qui, selon le 2021 de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), environ 62,1 % (soit 13,4 milliards de dollars) des revenus totaux de la musique enregistrée dans le monde proviennent du streaming.

L’année 2020 marque une baisse de 9.9%

des redevances encaissées pour les créateurs, soit une perte de 1 milliard d’euros

CISAC

Le rôle de plus en plus prépondérant des plateformes dans la production et la distribution des contenus fait peser la menace de restreindre la diversité des contenus. Un nouvel oligopole risque d’émerger, qui pourrait recréer la fonction de gardien dont jouissaient les entreprises de médias traditionnels lorsque la capacité du spectre limitait la production de radiodiffusion et qu’une poignée de contrôleurs de réseaux de télévision et de radio décidaient effectivement du contenu dans les années 1980-1990. Mais cette fois-ci, l’oligopole existerait au niveau mondial plutôt qu’au niveau national. Pourtant, bien qu’ayant une portée mondiale, les oligopoles se concentrent dans certaines régions du monde et non dans leur contenu. Par ailleurs, plutôt que d’étendre la diversité des expressions culturelles au niveau mondial, la production et la distribution sont de plus en plus concentrées dans les pays du Nord au détriment des pays du Sud, comme l’illustre le fait que 95 % du marché des applications est concentré dans seulement 10 pays. De tels déséquilibres font courir le risque d’une homogénéisation de la culture au niveau mondial, alors que, dans le même temps, les fractures numériques au sein des pays peuvent conduire à la domination de certaines caractéristiques ou expressions culturelles au détriment de la valorisation de l’ensemble de la diversité culturelle.

L’intelligence artificielle (IA) est un problème en matière de frontières, qui pose des défis éthiques dans le secteur créatif, du travail généré par l’IA à la limitation potentielle de la diversité de l’expression culturelle. Bien qu’elle puisse aider à responsabiliser de nombreux créateurs, à rendre les industries culturelles plus efficaces et à augmenter le nombre d’œuvres d’art, ce qui est dans l’intérêt du public, il existe encore très peu d’artistes et d’entrepreneurs qui savent utiliser des outils tels que l’apprentissage automatique. L’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP), ainsi que les systèmes éducatifs, sont encore à la traîne et tardent à s’adapter. En outre, ces technologies risquent d’exacerber les inégalités existantes, non seulement dans la création de contenus culturels, mais aussi dans les modèles économiques des chaînes de valeur culturelles et créatives en faisant encore pencher la balance en faveur de quelques superpuissances de l’IA, au risque d’appauvrir les expressions culturelles à long terme. Cela pourrait réduire encore davantage l’autorité des États en entravant gravement leur capacité à protéger et à promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire, ainsi qu’à protéger les emplois humains, les talents et l’innovation dans les industries culturelles et créatives, ainsi que le droit d’auteur.

PERSPECTIVE : Systèmes de sécurité sociale numériques

 

Organisation internationale du travail (OIT)

« Il est essentiel de simplifier et d'encourager l'affiliation à la sécurité sociale des travailleurs du SCC (secteur culturel et créatif), et d'optimiser les gains à tirer de l'utilisation de la technologie et des outils du monde globalisé. À cet égard, les plateformes informatiques (technologies de l’information) pourraient servir à faciliter l’inscription des travailleurs du SCC et le paiement des cotisations de sécurité sociale.98 Les organismes de sécurité sociale pourraient ainsi envisager des solutions numériques innovantes, telles que l’utilisation des SMS, l’accès numérique aux applications de création artistique ou les applications numériques d’inscription, de perception des cotisations et de paiement»

 

 

Les industries culturelles et créatives : Un marché de l’emploi clé extrêmement sensible aux tempêtes contemporaines

Les industries culturelles et créatives (ICC) comptent parmi les secteurs à la croissance la plus rapide et emploient plus de personnes âgées de 15 à 29 ans que tout autre secteur. L’emploi dans ces secteurs favorise les femmes et les jeunes.

Les ICC génèrent 3.1% du PIB brut mondial et au moins 48.4 millions d'emplois, soit 6.2% de l'emploi total

Rapport Re|penser les politiques en faveur de la créativité de l’UNESCO, 2022

En 2013, selon les données du rapport , le secteur employait déjà 29,5 millions de personnes. Les ventes informelles de CCI dans les pays émergents ont été estimées au total à 33 milliards de dollars en 2013 et ont permis de créer 1,2 million d’emplois, en particulier dans les arts de la scène.

 

Cependant, la pandémie a mis en lumière à quel point l’emploi culturel est fragile en raison des conditions de travail informelles dans de nombreux espaces artistiques privés, des projets culturels et des collaborations en freelance, en particulier pour les femmes.

 

En adaptant les modèles économiques et les politiques culturelles actuels, en testant de nouveaux modèles et politiques, et en formulant des politiques innovantes pour l’inclusion numérique, nous visons à combler le fossé numérique et à faire en sorte que la culture bénéficie d’un accès égal à tous les segments de la société.

S.E. Prince Badr Bin Abdullah Bin Farhan Al-Saud , Ministre de la Culture , Royaume d'Arabie saoudite

PERSPECTIVE : Protection des artistes dans la sphère numérique Prof. Véronique Guévremont, Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles, Université Laval, Québec, Canada

L’environnement numérique représente un espace étonnant pour l’accès à la culture et la diffusion d’une diversité infinie d’expressions culturelles, tandis que les technologies numériques offrent des outils extraordinaires pour stimuler la créativité des artistes. Mais ces espaces et outils sont aussi porteurs de menaces pour les artistes. Premièrement, ils peuvent être utilisés à des fins de censure, violant ainsi leurs droits fondamentaux, y compris leur liberté d’expression artistique. L’environnement numérique encourage également la libre circulation illicite d’œuvres protégées par le droit d’auteur ou permet la circulation d’œuvres sans que leur auteur soit rémunéré équitablement. C’est donc le statut de l’artiste – voire son existence – qui est menacé, la réduction de sa rémunération pouvant le priver de tous ses droits économiques et sociaux. L’environnement numérique peut également mettre en péril la relation que l’artiste entretient avec le public, empêchant celui-ci de bénéficier de l’œuvre que l’artiste n’est plus en mesure de produire ou de diffuser. Le danger est un appauvrissement progressif de la diversité des expressions culturelles.

Grâce à un large éventail de politiques culturelles, plusieurs États ont historiquement réussi à protéger les artistes et leurs relations avec le public et à promouvoir la diversité des expressions culturelles. Ces politiques doivent désormais être repensées pour l’environnement numérique. Si les technologies numériques permettent désormais aux expressions culturelles de circuler librement dans un espace public sans frontières, facilement accessible à tous, les expressions culturelles de certaines régions du monde ou de certains États sont encore quasi absentes de cet univers, tandis que les expressions culturelles des groupes minoritaires et des peuples autochtones ne bénéficient qu’exceptionnellement de l’influence que peuvent offrir les technologies numériques. Face au développement de certains modèles économiques peu propices à la diversité, les politiques culturelles doivent stimuler l’accessibilité à ces expressions culturelles dans l’environnement numérique.

Une approche transversale de ces questions et la mobilisation d’autres politiques sont également nécessaires. Les stratégies nationales, plans d’action ou autres initiatives visant à soutenir le développement du marché numérique doivent tenir compte de l’impact de ces technologies sur la culture. Non seulement l’avenir de la diversité des expressions culturelles en dépend, mais aussi le droit de chaque individu à participer à la vie culturelle, qui doit être considéré dans sa dimension virtuelle, en particulier les droits des jeunes et des personnes et groupes vulnérables, souvent marginalisés dans cet univers. La protection des droits culturels de chacun dans l’environnement numérique est une condition essentielle du dialogue entre les cultures. Il s’agit également d’une étape essentielle du parcours qui devrait conduire à la pleine reconnaissance de la contribution inestimable de la culture au bien-être et au développement durable de nos sociétés.

Le numérique étant devenu le langage de notre temps, la seule alternative est de lui enseigner la diversité ou de le subir jusqu’à l’anéantissement ; une perspective que notre humanité ne peut accepter. Au numérique, nous devons inoculer la diversité pour sauver notre humanité.

S.EXC M.Abdoulaye Diop ,Minister de la Culture et de la Communication, Senegal

Tirer le plein potentiel des technologies numériques en faveur de la protection du patrimoine

La lutte contre les trafics illicites trouve aussi un allié dans le numérique. Au moment de la rédaction de la Convention de 1970 de l'UNESCO , Internet n'était pas un canal principal de vente des biens culturels. Aujourd'hui, l'utilisation des plateformes en ligne et des médias sociaux pour vendre ces biens culturels devient très préoccupante et constitue une menace majeure pour le patrimoine culturel. En effet, la croissance exponentielle du commerce électronique s'est traduite par une augmentation des ventes en ligne de biens culturels volés, excavés clandestinement de sites archéologiques ou exportés illégalement. En particulier, Internet donne aux trafiquants un outil facilitant la vente rapide des objets culturels volés trouvés sur des sites archéologiques.

Les pilleurs exploitant des outils tels que les médias sociaux, les forums en ligne et le deep web, les autorités publiques peuvent déployer la télédétection pour détecter et surveiller les excavations, ainsi que l’apprentissage automatique et la technologie blockchain alimentée par l’imagerie 3D pour tracer les enregistrements de provenance. Sur le site classé au patrimoine mondial du parc national de la Comoé en Côte d’Ivoire, des drones ont été utilisés pour lutter contre le vol illégal d’or. Le partage de données entre pays, à travers l’utilisation de technologies, est également vital en raison de la nature transfrontière de cette activité criminelle. Pas plus tard que l’année dernière, INTERPOL a lancé une application pour aider à identifier les biens culturels volés, réduire le trafic illicite et augmenter les chances de retrouver les œuvres et objets volés. Cependant, la formation et le renforcement des capacités restent très insuffisants et inégaux dans le monde, tout comme les possibilités d’emploi et les investissements dans ces domaines.

De plus en plus, les technologies numériques peuvent également être utilisées pour documenter, transmettre et revitaliser le patrimoine culturel immatériel. Le patrimoine culturel immatériel ne pouvant être vu ou détenu sous forme physique, la documentation, notamment à travers des projets de production médiatique, permet de comprendre les tendances évolutives d’un certain élément du patrimoine culturel immatériel et de formuler des mesures pour sa sauvegarde. Par exemple, un projet novateur visant à documenter les connaissances autochtones sur les plantes à des fins médicinales, agricoles, économiques et religieuses dans la communauté Subanen des Philippines a permis aux générations actuelles et futures de disposer de ces connaissances ancestrales au format multimédia. La Convention UNESCO 2003 pour la sauvegarde du patrimoine vivant place clairement les communautés au cœur de la sauvegarde des pratiques du patrimoine culturel immatériel et les négociations communautaires pour la documentation et la circulation numérique des représentations des expressions immatérielles locales restent essentielles pour garantir que les technologies numériques sont correctement exploitées.

Le développement des technologies numériques joue également un rôle de plus en plus important dans la sauvegarde du patrimoine culturel, naturel ou immatériel. Sur les sites du patrimoine mondial, par exemple, des systèmes de télédétection sont utilisés pour mieux définir des zones tampons afin de protéger les propriétés, comme les corridors des routes de la soie en Asie, les sites archéologiques de l’île de Méroé au Soudan et le système de routes andines de Qhapaq Ñan en Amérique du Sud. Des drones ont également été utilisés pour renforcer la protection et la surveillance du Sanctuaire national des oiseaux du Djoudj au Sénégal, protégeant l’intégrité du site pour la conservation du patrimoine.

Les technologies numériques se sont avérées particulièrement vitales dans le sillage des conflits, catastrophes naturelles et autres situations d’urgence. En Syrie, par exemple, , pour produire une évaluation des dégâts causés à la ville antique d’Alep, à l’aide d’images satellites, tandis qu’en France, les architectes et ingénieurs qui conçoivent la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris utilisent des modèles 3D numériques qui précèdent l’incendie dévastateur. La numérisation des collections de musée, ces dépôts d’objets uniques et vitaux de notre histoire commune, est également essentielle pour assurer la préservation du patrimoine culturel, comme l’a démontré l’incendie désastreux du Musée national du Brésil à Rio de Janeiro en 2018, dont la perte de 90 % des 20 millions d’objets est incalculable.

Le patrimoine étant soumis aux pressions du tourisme, les technologies numériques peuvent être utilisées pour préserver les sites du patrimoine mondial et améliorer l’expérience du visiteur. Par exemple, les grottes de Mogao en Chine, site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui contient les plus grandes collections de peintures rupestres bouddhistes au monde, commençaient à se dégrader en raison du contact croissant avec les visiteurs. Un centre d’accueil ultramoderne a été construit, avec des répliques exactes des grottes et réduisant considérablement le temps passé par les visiteurs sur le site original. Dans une démarche similaire visant à changer l’expérience des visiteurs du patrimoine culturel, la plateforme Voyages du patrimoine mondial en Europe présente 34 sites du patrimoine mondial moins connus provenant de 19 pays de l’Union européenne afin de réduire la pression sur les sites les plus visités d’Europe et de partager les avantages du tourisme culturel de manière plus équitable et d’une manière plus durable sur le plan environnemental et économique.

Il existe de nombreuses applications des technologies numériques pour la conservation et la sauvegarde du patrimoine qui restent sous-explorées. Par exemple, des capteurs d’Internet des objets, des caméras de surveillance et des images satellites pourraient être déployés pour observer et détecter les changements au niveau des sites patrimoniaux et fournir des informations en temps réel aux gestionnaires de sites. Il pourrait s’agir de déclencher des alarmes en cas de pillage ou d’événements météorologiques extrêmes, voire de surveiller les conséquences à plus long terme du changement climatique. Les répliques tridimensionnelles de pièces fragiles peuvent être fabriquées avec des imprimantes 3D afin que les visiteurs puissent en faire l’expérience sans endommager l’original. À l’avenir, la réalité étendue ou la narration assistée virtuellement pourrait être étendue pour améliorer l’expérience des visiteurs ou élargir l’accès aux personnes handicapées. Les technologies numériques pourraient également jouer un rôle plus important dans l’éducation en rendant disponibles les ressources en ligne des musées et des institutions culturelles (ainsi que des livres, du matériel audio et des œuvres d’art), en offrant des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie sur le patrimoine et les arts et en ouvrant des voies au dialogue interculturel.

PERSPECTIVE : L’importance des ressources patrimoniales numériques

Nirvana Persaud, Vice Chair Caribbean Heritage Network

Notre réseau est une plateforme numérique riche en ressources qui permet aux membres, aux professionnels, aux étudiants et au public intéressé d’accéder à un vaste inventaire de documents patrimoniaux, de connaissances, de compétences, voire d’experts et de praticiens qui peuvent aider tous les territoires des Caraïbes dans leurs programmes patrimoniaux respectifs. Cela permet d’échanger et d’apprendre les uns des autres…

Il est temps que nous engagions les divers États parties, gouvernements et systèmes de soutien à reconnaître que nos vies ne peuvent se concevoir sans patrimoine culturel, mais également que les ressources de ce secteur sont irremplaçables et ne sont pas des obstacles, mais plutôt des compléments, au progrès et au développement. Ils apportent de la valeur ajoutée dans tous les secteurs, car ils se recoupent et apportent toujours une orientation et une direction aux projets actuels et futurs…

[Cela] requiert une synergie accrue entre les parties prenantes, des appels à l'interconnexion et surtout un plan d'action qui soutient chacun de nos appels en tant que collectif, en faveur de la priorisation de la préservation du patrimoine culturel, de législations actualisées et de politiques de soutien, du renforcement des capacités et du partage des compétences au-delà des frontières, de l'amélioration de nos partenariats et dialogues interconnectés, qui peuvent donner des résultats tangibles en vue d’améliorer le secteur, ainsi que les entités culturelles respectives et les pays, en améliorant le contenu et la plate-forme virtuelle et en maximisant la demande actuelle pour ce bien public destiné à tous, qui consiste à disposer d’espaces numériques sûrs, permettant aux praticiens, aux jeunes, aux bénéficiaires de la culture et du patrimoine entre autres de s’engager.

Bien qu’il existe une myriade de nouvelles possibilités, tout le monde n’est pas actuellement inclus dans cette transformation numérique. Selon les dernières données de l’Union internationale des télécommunications, la pénétration mondiale globale des utilisateurs d’Internet s’élève à 63 %, mais ce chiffre révèle également un « grand canyon » de connectivité séparant les personnes numériquement autonomes des personnes numériquement exclues, avec 96 % des 2,9 milliards de personnes encore hors ligne vivant dans le monde en développement. Le sexe reste un facteur : dans le monde, 62 % des hommes utilisent Internet contre 57 % des femmes. Historiquement, la fracture numérique a été causée par des facteurs tels que le manque d’accès à Internet (soit en raison d’un manque d’infrastructures ou de coûts), le manque de connaissances numériques de base et le manque de neutralité du net (qui garantit la non-discrimination des utilisateurs).

63% de pénétration globale des internautes dans le monde mais 96% des 2.9 milliards de personnes qui vivent encore hors ligne se trouvent dans les pays en développement

UIT

Le fait de tirer le meilleur parti de la transformation numérique et de la transformer en opportunités efficaces pour tous nécessitent : l’adaptation des politiques éducatives, la révision des systèmes éducatifs, des synergies plus étroites et systémiques entre culture et éducation afin d’intégrer pleinement la culture dans l’éducation, la formation des formateurs, le développement de l’EFTP, des investissements publics dans les infrastructures et des possibilités d’emploi.

Les inégalités d’accès aux technologies numériques ont d’énormes conséquences pour la culture à l’ère des réseaux, sapant la diversité culturelle et le droit de participer à la vie culturelle. En outre, alors que de nombreux sites et musées du patrimoine mondial dans le monde sont passés à des formats virtuels pendant le confinement mondial, une enquête de l’UNESCO a révélé que seulement 5 % des musées d’Afrique et des petits États insulaires en développement sont en mesure d’offrir du contenu en ligne à leur public. La fracture numérique signifie aussi que les artistes dans certaines régions du monde ne peuvent pas élargir leur public, faisant tanguer un terrain de jeu déjà inégal. En plus de voir la diversité des expressions culturelles restreinte, la diversité linguistique est affectée par les technologies numériques de masse. Actuellement, 77 % des 1,9 milliard de sites Internet sont disponibles dans 10 langues seulement sur les quelque 7 000 langues que compte le monde, bien que le développement de l’intelligence artificielle offre potentiellement des possibilités de traduction automatique pour étendre la portée linguistique d’Internet et accroître l’accès.

Faire progresser la protection de la diversité culturelle dans l’espace numérique

Depuis plus d’une décennie, l’UNESCO travaille sur des outils et des lignes directrices pour aider les États membres à naviguer dans ce nouveau paysage numérique pour le secteur culturel. en particulier a mis au point des outils pour préserver la diversité culturelle et protéger les droits des artistes. La Convention elle-même s’appuie sur, qui invite les États membres à améliorer le statut professionnel, social et économique des artistes par la mise en œuvre de politiques et de mesures relatives à la formation, à la sécurité sociale, à l’emploi, aux conditions de revenus et fiscales, à la mobilité et à la liberté d’expression. Elle reconnaît également le droit des artistes à s’organiser dans des syndicats ou des organisations professionnelles qui peuvent représenter et défendre les intérêts de leurs membres.

In response to the challenges posed in protecting the status of the artist in the digital environment, States Parties to the 2005 Convention approved in 2017 the , although the issue of intellectual property rights still remains merely addressed from an individual perspective and not from the persprective of the collective rights of communities, in particular as regards cultural expressions of Indigenous People. The guidelines provide a strategic framework for understanding, interpreting and implementing the Convention in a digital environment where cultural goods and services are created, produced, distributed, disseminated, consumed and stored electronically. These goods and services transmit cultural expressions through, for example, a computer programme, a network, a text, a video, an image or an audio recording and are distributed through constantly evolving digitally-encoded platforms. Building on these guidelines, an tool was developed in 2019 to provide a range of concrete activities and expected results for its implementation. With the overall aim of protecting the means of creation, production, dissemination, access, and exchange of cultural goods and services in the face of rapid technological changes, governments are invited to take ownership of the Open Roadmap and adapt it according to their needs, resources and priorities. However, there has been a poor level of information-sharing seems to indicate that countries are encountering serious challenges in this process.

En réponse aux défis posés par la protection du statut de l’artiste dans l’environnement numérique, les États parties à la Convention de 2005 ont approuvé en 2017 sur la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique, bien que la question des droits de propriété intellectuelle reste abordée uniquement d’un point de vue individuel et non sous l’angle de la persistance des droits collectifs des communautés, en particulier en ce qui concerne l’expression culturelle des peuples autochtones. Ils fournissent un cadre stratégique pour comprendre, interpréter et mettre en œuvre la Convention dans un environnement numérique où les biens et services culturels sont créés, produits, distribués, diffusés, consommés et stockés de manière électronique. Ces biens et services transmettent des expressions culturelles par l’intermédiaire, par exemple, d’un programme informatique, d’un réseau, d’un texte, d’une vidéo, d’une image ou d’un enregistrement audio et sont distribués par l’intermédiaire de plateformes codées numériquement en constante évolution. Sur la base de ces orientations, un outil de feuille de route ouverte a été développé en 2019 afin de fournir un éventail d’activités concrètes et de résultats attendus pour sa mise en œuvre. Dans le but global de protéger les moyens de création, de production, de diffusion, d’accès et d’échange des biens et services culturels face aux changements technologiques rapides, les gouvernements sont invités à s’approprier la feuille de route ouverte et à l’adapter en fonction de leurs besoins, ressources et priorités. Toutefois, le faible niveau d’échange d’informations semble indiquer que les pays rencontrent de graves difficultés dans ce processus.

En ce qui concerne le patrimoine et les technologies numériques, l’UNESCO a également progressé en conseillant les États membres. Par exemple, les the encouragent « la production de matériel audiovisuel et numérique, ainsi que de publications et autres matériels promotionnels tels que des cartes, des timbres, des affiches ou des autocollants sur le patrimoine culturel immatériel, y compris les éléments inscrits sur les listes ». Un projet d’un centre de catégorie II de l’UNESCO, par exemple, aide les États membres d’Asie et du Pacifique à numériser les ressources audiovisuelles analogiques endommagées afin qu’elles puissent être conservées et gérées. Il convient toutefois de noter que les outils numériques ne sont pas sans complications par rapport au patrimoine culturel immatériel, car ils soulèvent notamment des questions de droits de propriété culturelle locale. L’UNESCO, en collaboration avec ses partenaires Interpol et le Conseil international des musées, a élaboré en 2006 des directives sur les mesures de base concernant les biens culturels mis en vente sur Internet afin d’aider les pays à lutter contre le commerce illicite de biens culturels sur Internet en prenant les mesures appropriées.

 

Autre outil majeur développé par l’UNESCO ces dernières années : pour garantir des cadres réglementaires centrés sur l’intelligence artificielle. Couvrant un large éventail de questions liées au mandat de l’UNESCO, elle aborde également spécifiquement l’impact de l’IA sur l’identité culturelle et la diversité. Elle reconnaît que si les technologies de l’IA peuvent enrichir le contenu culturel, elles peuvent également conduire à une concentration accrue de l’offre de contenus culturels, de données, de marchés et de revenus entre les mains de quelques acteurs seulement, avec des implications négatives potentielles pour la diversité et le pluralisme des langues, des médias, des expressions culturelles, la participation et l’égalité. La recommandation présente un certain nombre de mesures spécifiques pour le secteur de la culture, notamment en encourageant les États membres à :

  • intégrer les systèmes d’IA, le cas échéant, dans la préservation, l’enrichissement, la compréhension, la promotion, la gestion et l’accessibilité du patrimoine culturel matériel, documentaire et immatériel, y compris les langues menacées ainsi que les langues et connaissances autochtones
  • promouvoir l’éducation à l’IA et la formation numérique pour les artistes et les professionnels de la création afin d’évaluer l’adéquation des technologies de l’IA à leur utilisation dans leur profession
  • favoriser de nouvelles recherches à l’intersection de l’IA et de la propriété intellectuelle (PI)
  • encourager les musées, galeries, bibliothèques et archives au niveau national à utiliser les systèmes d’IA pour mettre en valeur leurs collections et améliorer leurs bibliothèques, bases de données et bases de connaissances, tout en offrant un accès à leurs utilisateurs

Pour réussir la transition numérique, nous avons besoin d'entreprises fortes, dotées d’outils adéquats, pour protéger les droits des artistes dans l'espace numérique. Un cadre législatif est nécessaire pour renforcer leur protection dans l'espace numérique. »

Samuel Sangwa, Directeur régional Afrique, CISAC

Dans le contexte de la société numérique et de l'économie numérique, il convient d'envisager le développement de la culture numérique en mettant en place des cadres juridiques et des mécanismes politiques, permettant de créer des opportunités et d'encourager la région Asie-Pacifique à innover, et à développer et diffuser le message positif de la culture dans les liens régionaux. »

S.Exc M.Hoang Dao Cuong Vice-ministre de la Culture, des Sports et du Tourisme du Viêt Nam

Technologies numériques et secteur culturel : une préoccupation majeure pour les États membres

L’impact multiforme de la transformation numérique dans tous les domaines culturels ouvre d’immenses opportunités, tout en soulevant de sérieux défis. La nécessité d’exploiter les technologies numériques dans le secteur culturel pour élargir l’accès à la culture en tant que bien public a été un thème majeur qui a émergé lors des consultations régionales qui se sont tenues entre décembre 2021 et février 2022. Les nouveaux outils ouvrent des perspectives pour élargir l’accès à la culture, renforcer la documentation, la conservation, la sauvegarde, l’interprétation, l’enrichissement, la compréhension, la promotion et la gestion du patrimoine culturel sous toutes ses formes et stimuler la créativité et l’innovation. Certains États membres ont également souligné le pouvoir renouvelé de la culture pour renforcer et étendre la coopération bilatérale et multilatérale grâce aux technologies numériques, favorisant le dialogue entre les pays et entre eux.Les préoccupations concernaient particulièrement la diversité culturelle et linguistique, ainsi que les modes de production, de distribution et de consommation culturelles.

Seuls les États peuvent garantir que la grande puissance investie dans les technologies numériques peut assurer l’accès à une diversité de contenus culturels et protéger les droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression, le respect de la diversité culturelle, les droits économiques et sociaux des artistes et des professionnels de la culture, les droits culturels collectifs des communautés minoritaires et l’accès à la culture pour tous, y compris les plus marginalisés. Des mesures structurelles sont nécessaires, au sein et au-delà des politiques culturelles, aux niveaux national, régional et international, nécessitant également l’adaptation des normes et des cadres réglementaires. Avec les États membres, l’UNESCO défend la liberté artistique en ligne.

 

La collaboration avec la société civile et un large éventail de distributeurs numériques de contenus culturels (plateformes en ligne, fournisseurs d’accès à Internet (FAI), moteurs de recherche, réseaux sociaux) est essentielle pour faire respecter ces droits garantis par l’État afin d’assurer la visibilité et l’accessibilité des contenus culturels nationaux et locaux. Investir dans l’éducation, et l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) dans le secteur culturel est également une priorité essentielle pour accélérer l’adaptation nécessaire des compétences et soutenir l’emploi lié à la culture, notamment pour les jeunes, par l’intégration systémique de la culture dans les systèmes éducatifs formels et non formels.

Des politiques culturelles publiques solides sont essentielles pour assurer la sauvegarde du patrimoine pour les générations futures, développer des écosystèmes créatifs diversifiés, dynamiques et prospères et faire en sorte que l’élargissement de l’accès à la culture soit un vecteur de sociétés plus pacifiques et tolérantes. Les défis restent importants et même si des progrès sont réalisés sur de nombreux fronts, trouver des solutions vraiment solides et durables nécessite une réflexion et un effort collectifs, à l’approche de MONDIACULT 2022 et au-delà.

 

La valeur des langues autochtones a été minimisée, voire a suscité une certaine discrimination dans nos pays. Elle devrait désormais bénéficier d’une place légitime dans chaque secteur de la société, afin de faciliter et promouvoir l'inclusion de tous nos peuples aux cultures diverses. La diversité linguistique devrait fortement se refléter dans la détermination de nos stratégies futures pour le secteur culturel. »

Debra Kay Palmer, Ministère de la Culture, du Genre, du Divertissement et du Sport (Jamaïque)

ResiliArt x MONDIACULT 2022

ResiliArt was launched by UNESCO in April 2020 as a global movement to capture the resilience and concerns of artists and culture professionals in the face of COVID-19 crisis through virtual debates. In the run-up to MONDIACULT 2022, the ResiliArt movement has evolved, inviting the cultural and creative communities, leaders and thinkers to reflect deeply on the current state of culture. The recommendations, data and results of the ResiliArt x MONDIACULT 2022 debates are gathered through an online survey and analysed by UNESCO to inform the high-level discussions by identifying needs, gaps and opportunities on the ground. All debates are organised independently and views reflected are those of the organisers and participants.

78%

78 % des débats de ResiliArt ont proposé des moyens de mettre la transition numérique au service du patrimoine et de la créativité.