S’il était possible de définir la mission générale de l’éducation, on pourrait dire que son but fondamental est de veiller à ce que les élèves bénéficient d’un apprentissage qui leur permette de participer pleinement à la vie publique, communautaire et économique.

- New London Group

Contexte et raison d'être

L’intersection entre les médias d’information et les technologies de l’information et de la communication (TIC) et la convergence des contenus et des systèmes qui en résulte signifient que les gens vivent dans un monde de plus en plus médiatisé. Il s’agit d’un monde où la communication entre les personnes et la transmission de contenus se produisent de plus en plus par le biais de plateformes technologiques. Cette situation, source d’opportunités et mais aussi de défis, rend l’éducation aux médias et à l’information (EMI) indispensable pour autonomiser les citoyens. On peut citer parmi les opportunités un plus grand accès à l’information et des possibilités d’expression individuelle, d’apprentissage tout au long de la vie, de participation, de créativité, de dialogue, d’échange culturel et de transparence qui, lorsqu’ils sont réunis, contribuent à la réalisation des objectifs de développement durable. Les défis à relever comprennent les préoccupations relatives à la confidentialité et à la violation des données, la montée de la mésinformation, la surveillance, la multiplication des discours de haine en ligne et des contenus extrémistes violents, la fréquence des attaques contre les femmes et l’exclusion accrue des groupes marginalisés. 

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’évolution des flux d’information, des technologies numériques, des fournisseurs institutionnels de services de médiation et du développement des médias. D’un côté, une grande partie des perspectives et des efforts pour lutter contre le virus existent dans l’écologie globale. Pourtant, ces efforts sont également entravés par la « désinfodémie Â» – un mélange de contenus déroutants où la mésinformation prend souvent le pas sur l’information – et rendus possibles par les communications numériques. 

EMI est une expression générique qui englobe diverses compétences qui permettent aux individus et aux groupes de naviguer sur les mers turbulentes que forme l’environnement actuel de l’information et des communications. Elle couvre un large éventail de connaissances, d’aptitudes, d’attitudes et de valeurs. L’EMI permet aux citoyens, y compris les jeunes, d’acquérir des compétences pour comprendre leurs besoins en information, mieux rechercher, trouver, évaluer de manière critique, utiliser, et contribuer à l’information et aux contenus multimédias à bon escient. Ainsi, l’EMI permet l’utilisation délibérée et créative des technologies numériques et donne à tous les utilisateurs les moyens d’améliorer leur connaissance de leurs droits en ligne et numériques, ainsi que des questions éthiques relatives à l’accès à l’information et à son utilisation. Des citoyens éduqués aux médias et à l’information sont équipés pour s’engager plus efficacement dans le dialogue, la liberté d’expression, l’accès à l’information, l’égalité des L’EMI est une condition préalable importante pour équilibrer le pouvoir des citoyens par rapport à celui des fournisseurs de contenus, pour exploiter les TIC dans l’éducation et pour favoriser un accès équitable à l’information et à la liberté d’expression. Afin que les citoyens puissent participer efficacement et réussir dans toutes les étapes de leur vie, il est urgent que l’EMI soit intégrée à tous les niveaux de la société et dans l’éducation formelle, non formelle et informelle.

Selon les statistiques récentes de la base de données mondiale de l’UIT sur les indicateurs des télécommunications et des TIC, en 2019, 1,3 milliard (3/4) des 1,7 milliard de ménages du monde, soit 4,9 milliards de personnes, possédaient un téléviseur, et 0,6 milliard (1/3) de ménages, soit 1,9 milliard de personnes, avaient accès à un ordinateur. En janvier 2021, 59,6 % de la population mondiale, soit 4,66 milliards de personnes, utilisaient Internet ; mi-2020, on estimait à 105 le nombre d’abonnements mobiles pour 100 personnes. S’ajoutent à cela plus de 2,5 milliards de récepteurs radio. En 2018, l’Association mondiale des journaux a enregistré 640 millions de lecteurs quotidiens dans le monde ayant payé pour avoir accès à des actualités imprimées et numériques. L’Institut de statistique de l’UNESCO estime que près de 1 million de nouveaux livres sont publiés chaque année dans le monde. Fin 2019, plus de 69 % de la jeunesse mondiale (15-24 ans) utilisait Internet. Selon un rapport conjoint de l’UNICEF et de l’UIT publié en 2020, 1,1 milliard d’enfants ou jeunes âgés de 25 ans ou moins (soit 1 sur 3) ont accès à Internet à domicile. Le nombre d’entreprises adoptant l’intelligence artificielle a augmenté de 270 % en quatre ans entre 2015 et 2019 (Gartner, 2019).

Le nombre total de postes de télévision et de radio, de journaux, de téléphones mobiles, d’accès à Internet, de livres, de bibliothèques, de panneaux d’affichage et de jeux vidéo détermine une grande partie de ce que nous apprenons sur nous-mêmes, notre pays, nos cultures et le monde qui nous entoure. Dans ce monde connecté, la connaissance des médias et de l’information signifie que nous pouvons repenser ce que l’on appelle la citoyenneté et l’apprentissage tout au long de la vie, et envisager des concepts tels que l’éducation à la citoyenneté mondiale, l’éducation en vue du développement durable et la citoyenneté numérique.

Les fournisseurs de contenus que sont les bibliothèques, les archives, les musées, les médias et les entreprises de communication numérique sont au cÅ“ur du développement durable, de la démocratie et de la bonne gouvernance, à la fois comme plateformes pour le débat démocratique et comme catalyseurs de la créativité et de l’esprit d’entreprise numériques. Pour que les fournisseurs de contenus et les outils numériques soutiennent la démocratie et le développement durable, les citoyens doivent comprendre comment les utiliser de manière critique et savoir interpréter les messages qu’ils reçoivent, qu’ils créent et qu’ils partagent. De la même manière, si l’on souhaite que l’écosystème renforce la créativité et l’esprit d’entreprise numériques, en plus des compétences mentionnées ci-dessus les citoyens doivent également apprendre à identifier les occasions d’entrepreneuriat dans ce domaine et saisir les avantages de l’intersection entre réflexion critique, créativité et collaboration pour le changement social. 

Même s’il convient de ne pas sous-estimer l’importance des compétences fondamentales en lecture, écriture et calcul, l’inclusion de l’EMI dans les programmes d’enseignement et de développement signifie que les jeunes doivent également comprendre les fonctions des fournisseurs de contenus et acquérir les capacités nécessaires pour rechercher, évaluer, utiliser et créer des contenus pour atteindre leurs objectifs personnels, sociaux, professionnels et éducatifs. Ils doivent également posséder des aptitudes de base en matière de réflexion critique pour les analyser et les mobiliser dans leur expression personnelle, pour devenir des apprenants indépendants, des producteurs, des citoyens informés, des professionnels et des participants à la gouvernance et aux processus démocratiques et économiques de leurs sociétés (voir le rapport du Forum national sur la maîtrise de l’information, 2005).

Ce module repose sur quatre piliers : la réflexion critique, l’expression personnelle, la participation et la créativité. Il considère que l’EMI est pertinente dans plusieurs domaines/disciplines qui se recoupent, et porte sur des questions telles que :

  • Qu’est-ce que l’information dans l’ensemble plus large des contenus ? 
  • Que sont les médias et les entreprises de communication ? 
  • Que sont les technologies numériques ? 
  • Pour quelles raisons enseigner sur ces sujets ? 
  • Pourquoi sont-ils importants ? 
  • Qu’est-ce que l’éducation aux médias ? 
  • Qu’est-ce que l’éducation à l’information ? 
  • Qu’est-ce que la maîtrise du numérique ? 
  • Quelles raisons sous-tendent l’éducation aux médias et à l’information ?

Le module présentera l’EMI comme un processus d’enseignement/apprentissage et d’engagement social et économique plutôt que comme une simple discipline. Par conséquent, il présentera de manière générale aux apprenants les questions et concepts clés du domaine qui seront traités plus en détail dans d’autres modules, leur offrant ainsi la possibilité de développer une compréhension de la différence entre « l’enseignement sur Â», « l’enseignement par Â» et l’engagement dans la société avec l’EMI comme outil.

Le but est que les éducateurs, les apprenants, les dirigeants communautaires et les pairs éducateurs eux-mêmes soient éduqués aux médias et à l’information et développent les compétences nécessaires pour intégrer l’EMI à tous les niveaux et pour tous les types d’éducation.