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Faire progresser l’enseignement multilingue par l’alphabétisation : difficultés et solutions

Selon les estimations, 6 700 langues seraient parlées dans le monde. Pourtant, la diversité linguistique se trouve menacée, car de plus en plus de langues sont en voie de disparition.
³¢â€™enseignement multilingue recèle des trésors de culture, d’histoire, de valeurs et de connaissances et s’avère essentiel pour transformer l’éducation. En collaboration avec des enseignants et d’autres parties prenantes, l’UNESCO s’efforce de le promouvoir avec enthousiasme, créativité et persévérance.
Dans l’esprit de la Journée internationale de la langue maternelle, le 21 février, qui a cette année pour thème « ³¢â€™Ã©ducation multilingue, une nécessité pour transformer l’éducation », d’anciens lauréats des prix internationaux d’alphabétisation de l’UNESCO ont fait part des difficultés rencontrées et des solutions envisageables pour faire avancer leurs travaux en matière d’enseignement multilingue.
Après avoir reçu l’un des prix d’alphabétisation de l’UNESCO, des lauréats de Thaïlande, du Royaume-Uni et d’Afrique du Sud sont passés à l’action pour faire progresser l’enseignement multilingue, malgré les nombreux obstacles qui se dressent devant eux.
³¢â€™Institut de recherche sur les langues et les cultures d’Asie de l’Université Mahidol en Thaïlande, lauréat de l’édition 2016 du Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation, avait travaillé avec des élèves de langue malaise de Pattani et acquis à cette occasion des connaissances et de l’expérience, qu’il a récemment mis en pratique pour offrir un enseignement multilingue aux enfants Urak Lawoi’ de l’île de Lanta, un petit groupe linguistique menacé.

Le professeur Premsrirat, de l’Université Mahidol, a déclaré : « [les autorités locales et certaines communautés] préfèrent utiliser exclusivement des méthodes d’enseignement multilingue bien précises. Ce sont souvent des méthodes adaptées uniquement aux grandes langues internationales. »
Lauréate de l’édition 2020 du Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation, l’association britannique United World Schools continue de relever les défis posés par les systèmes éducatifs qui n’enseignent qu’en langue nationale. Pour ce faire, elle crée des écoles en étroite collaboration avec les populations locales, puis recrute des villageois et les forme au métier d’enseignant.
Dans de nombreux pays, les gouvernements ou les autorités locales se sont toujours montrés réticents à soutenir l’enseignement multilingue. Au Népal, le système politique de gouvernance des panchayats, qui a eu cours de 1960 à 1990, a interdit l’enseignement dans d’autres langues que le népalais, ce qui a eu pour conséquence de priver toute une génération d’autochtones d’une instruction dans leur langue maternelle. Ainsi, United World Schools a rencontré une difficulté de taille : trouver des enseignants qualifiés capables d’enseigner en langue autochtone, à l’oral comme à l’écrit.
Un autre défi mis en exergue est la concurrence des langues internationales, en particulier de l’anglais, à laquelle se heurtent les langues autochtones. M. Ollie Imray, responsable des programmes et des partenariats à United World Schools, a déclaré que « de nombreux parents et de nombreux élèves estiment que les avantages économiques conférés par l’apprentissage d’une langue internationale l’emportent sur ceux conférés par l’apprentissage de la langue locale – d’autant plus que la langue anglaise fait partie des grandes matières du programme national. »
Lauréate de l’édition 2021 du Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation, la fondation sud-africaine Puku pour la littérature jeunesse est en train de créer un portail Web, « Pukupedia », qui fera office d’encyclopédie en ligne multilingue et de source fiable d’informations sur les livres pour enfants et adolescents dans toutes les langues sud-africaines.

Puku a eu beaucoup de mal à trouver des financements, car l’association tente de proposer des solutions pluridimensionnelles à des problèmes complexes, alors que de nombreux bailleurs de fonds recherchent des solutions simples. Parallèlement, en tant que première association sud-africaine à concevoir un portail numérique sur la littérature jeunesse, Puku doit composer avec les difficultés liées à ce processus de transformation numérique en raison d’un manque de compétences et d’expérience en la matière.
Trouver des solutions pour aller de l’avant
Par le biais du système d’enseignants issus de la population locale, United World Schools a fourni une formation approfondie, initiale ou continue, aux villageois sélectionnés pour exercer ce métier, en insistant non seulement sur l’inclusion et la protection de l’enfance, mais aussi sur les différentes pédagogies, l’élaboration d’un plan de cours et les stratégies propices à la bialphabétisation.
La fondation Puku cherche à pérenniser le financement de son projet en créant une source de revenus qui lui profite autant qu’à ses bénéficiaires. En outre, elle s’est employée à tisser des partenariats avec différentes parties prenantes de l’écosystème des langues autochtones, notamment des organismes gouvernementaux, des institutions, des universités et des experts de premier plan.
³¢â€™Institut de l’Université Mahidol tâche de défendre autant que possible l’application de méthodes d’enseignement multilingue dans les contextes locaux.
Les lauréats des prix internationaux d’alphabétisation de l’UNESCO sont déterminés à poursuivre leurs actions de promotion de l’enseignement multilingue malgré les difficultés rencontrées. « Avec des investissements suffisants et des partenariats créatifs, les possibilités sont infinies », s’est enthousiasmée Mme Elinor Sisulu, directrice générale de la Fondation Puku.
³¢â€™UNESCO décerne deux prix internationaux d’alphabétisation : le Prix UNESCO-Roi Sejong d’alphabétisation, créé en 1989 avec le soutien du Gouvernement de la République de Corée, qui accorde une attention particulière au développement de l’alphabétisation en langue maternelle ; et le Prix UNESCO-Confucius d’alphabétisation, créé en 2005 avec le soutien du Gouvernement de la République populaire de Chine, qui met l’accent sur l’alphabétisation fonctionnelle des adultes en milieu rural et des jeunes non scolarisés, en tirant parti des environnements technologiques.