Contexte et raison d’être

Sous une forme ou une autre, la publicité atteint les quatre coins du monde. Les entreprises, les organisations, les citoyens et les gouvernements utilisent la publicité pour promouvoir des produits, des services et des idées et pour transmettre des informations, des croyances et des valeurs. Elle est présente presque partout et sous différentes formes. La publicité est déployée dans les médias traditionnels tels que les journaux, la télévision et la radio, mais aussi sur les nouveaux médias – réseaux sociaux, blogs et sites Web –, les smartphones, les applications et appareils mobiles, via le placement de produits dans les films, etc. L’intelligence artificielle (IA), associée aux capacités de stockage massif de données à caractère personnel et de traces numériques laissées par les utilisateurs en ligne et les points de vente, est utilisée pour analyser le comportement des clients et prédire et façonner leurs besoins, leurs préférences, ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas. Des algorithmes sont utilisés pour extraire des données et générer des publicités personnalisées. L’IA a permis aux annonceurs de microcibler automatiquement les individus, parfois jusqu’au moindre détail, et d’atteindre les clients avec des publicités sur mesure basées sur le genre, l’âge, la classe sociale, l’orientation sexuelle et les goûts personnels, etc. Cette réalité est amplifiée lorsque les utilisateurs, sciemment ou non, abandonnent ou échangent leurs données pour profiter des services « gratuits » offerts par les entreprises et les applications numériques.

Les entreprises ou les gouvernements dépendent de la publicité pour réussir leurs campagnes. La publicité les aide à atteindre leurs marchés ou à cibler la population afin de générer la demande ou le changement de comportement qu’ils recherchent. Le processus de la publicité repose en grande partie sur la motivation et les désirs inconscients des consommateurs, plus que sur leur pensée critique et rationnelle. L’éducation aux médias et à l’information (EMI) peut néanmoins les aider à stimuler leurs compétences critiques et de discernement sur la façon d’interagir avec la publicité.

Globalement, il existe deux types de publicité : la publicité commerciale et les messages d’intérêt public, parfois appelés marketing social. La publicité commerciale implique généralement la promotion d’une personne, d’un produit, d’un service ou d’une entreprise afin de générer des ventes (par ex. les publicités audiovisuelles ou imprimées pour des vêtements, boissons gazeuses, films, services de communication numérique, etc.). Les messages d’intérêt public comprennent la promotion d’informations et de services qui profitent au grand public (tels que les messages sur la santé et la sécurité, la promotion de l’alphabétisation, etc.). 

Ces deux formes de publicité constituent une source majeure de revenus pour les entreprises de communication traditionnelle et numérique. Les revenus que les fournisseurs de contenus perçoivent de la publicité servent à payer les coûts d’exploitation et le développement de contenus (programmes de télévision, matériel de site Web, services numériques améliorés, articles de magazines, émissions de radio, etc.). Sans ces revenus, la plupart des médias privés et des entreprises numériques, qui font partie d’un mécanisme central de promotion du développement durable, du dialogue, de la diversité, de la démocratie et des libertés dont nous jouissons, ne pourraient pas survivre. Dans le même temps, la publicité peut réduire notre pouvoir d’action et notre prise de décisions conscientes et rationnelles, et stimuler un consumérisme non durable reposant sur des valeurs douteuses. Plusieurs modules de ce programme soulignent à quel point il est important que les citoyens soient éduqués aux médias et à l’information pour pouvoir exiger la transparence des institutions médiatiques et des entreprises de communication numérique. L’EMI aide également à comprendre la nécessité de mécanismes viables pour la production et la diffusion des contenus, en particulier le journalisme dans les langues locales où des facteurs comme les faibles audiences ou la pauvreté du public atténuent l’intérêt de l’annonceur ou le paiement d’abonnement pour ce genre d’informations.

Les informations ou les messages transmis par la publicité peuvent avoir une incidence sur les valeurs sociales et culturelles, la diversité et l’égalité. Par exemple,il existe un vaste ensemble de connaissances sur l’image des femmes et des hommes dans la publicité. Dans la publicité, la féminité contemporaine est représentée principalement à travers le rôle des en tant qu’épouses et mères, tant chez elles que dans la société (Chiochhetto, L. (2008). Images of Women in Advertising Both Consumer and Object of Consumption. In Media Asia 35(4):241-249DOI: 10.1080/01296612.2008.11771964). Dans certains pays, les femmes sont également sexualisées dans la publicité. D’autre part, la masculinité dans la publicité est dépeinte à travers des rôles de machos, de leaders et d’influenceurs puissants, etc. En renforçant les stéréotypes liés au genre, ces contenus perpétuent les inégalités entre les genres. Cette analogie pourrait également s’appliquer à la discrimination raciale et à d’autres questions sociales. Voir le Module 6 pour plus d’informations sur les représentations dans les médias et les technologies. Étant donné l’importance du rôle de la publicité dans nos sociétés aujourd’hui, les éducateurs et les apprenants doivent comprendre les ingrédients d’une publicité efficace et être en mesure d’évaluer les annonces en tant que sources d’information. Il est par ailleurs important que les citoyens connaissent les mécanismes qui leur permettent de donner leur avis sur les publicités aux industries et aux autorités publiques.

La publicité peut avoir un effet négatif sur l’indépendance des médias et des entreprises de communication numérique. La pression des annonceurs peut en effet amener les journalistes et les professionnels de l’information ou du numérique à éviter d’écrire ou de publier sur des sujets controversés. Elle peut remplacer les contenus d’intérêt public (ou relevant du bien public) par des contenus divertissants qui attirent un public particulier. À moins qu’il n’y ait une séparation claire entre les aspects éditoriaux et commerciaux des médias et des entreprises de communication numérique, ce qui est de moins en moins le cas, les intérêts commerciaux peuvent avoir un impact sur les contenus et la couverture médiatique sans que cela soit manifeste.
Bien que les possibilités en matière de publicité se soient multipliées avec l’explosion des médias et des technologies numériques, le secteur reste réglementé par des codes spécifiques destinés à contribuer au maintien de la confiance du public. En règle générale, ces codes fonctionnent au niveau national et sont créés par les gouvernements et le secteur de la publicité. Les codes sont conçus pour veiller à ce que la publicité soit sincère, juste et exacte. Dans de nombreux pays, les consommateurs peuvent communiquer avec les conseils de publicité et les groupes de consommateurs s’ils ont des questions ou des inquiétudes au sujet des pratiques du secteur.

Dans un grand nombre de pays, les annonceurs privés locaux ne sont pas suffisamment nombreux pour soutenir toutes les entités médiatiques qui existent. Par conséquent, les entreprises de médias dépendent aussi parfois d’autres sources de revenus comme les subventions, les parrainages et la vente de contenus. Le fait que l’information soit un bien public est un argument en faveur d’un soutien direct et indirect par le biais de politiques publiques favorables aux institutions de médias d’information. Dans certains pays, ce soutien prend la forme d’un allégement fiscal et, dans d’autres, de subventions destinées à aider les médias communautaires à couvrir les coûts de diffusion. 

Il y a toujours un risque que le financement direct de l’État, aussi nécessaire qu’il puisse être face aux défaillances du marché des services d’information pour une partie du public, rende les médias « captifs » et les amène à transiger sur l’indépendance éditoriale. Des systèmes solides sont dès lors nécessaires pour éviter cette situation. De la même manière, il convient d’empêcher que l’attribution de publicités publiques ne devienne un outil récompensant ou pénalisant la présence ou l’absence de certains contenus. La transparence et un contrôle indépendant sont nécessaires.

L’EMI est essentielle en ce qu’elle permet aux citoyens, en particulier les enfants et les jeunes, de voir, d’écouter, de sentir et de lire de manière critique des annonces adaptées à leurs sentiments et à leur motivation à agir conformément aux objectifs de la publicité.