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Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, a participé le jeudi 24 mai à la Conférence ministérielle européenne de l’enseignement supérieur

Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, a participé le jeudi 24 mai à la Conférence ministérielle européenne de l’enseignement supérieur, dite Conférence du processus de Bologne, en présence des ministres des 48 Etats.

Discours tel prononcé par la Directrice générale à la Conférence:

" Monsieur le Premier Ministre, cher Edouard PHILIPPE

Monsieur le Commissaire européen en charge de l’Education, de la Culture, de la Jeunesse et du Sport, cher Tibor NAVRACICS

Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, chère Frédérique VIDAL

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Excellences,

 

Il y a 600 ans, dans la correspondance entre deux poètes, l’un vénitien l’autre toscan, Francesco Barbaro et Poggio Bracciolini, apparaissait l’idée d’une « République des lettres ».

Cette idée, c’était celle d’un espace qui, par-delà les frontières politiques, unissait les intelligences de tout un continent. L’idée que la pensée, dans toutes ses manifestations – littéraires, philosophiques, artistiques – et dans tous ses lieux de production, notamment les universités, créait un espace commun, un espace pour l’esprit.

Cette idée d’un espace commun pour l’esprit est au fondement de l’humanisme tel qu’il s’est bâti dans cette République des lettres. Elle est au fondement d’une conscience qui transcende les appartenances et les identités.

Ce qu’il s’agit de construire, c’est donc un espace où le savoir, les connaissances, les savoir-faire, mais aussi les idées et valeurs circulent librement et sans obstacle. Un espace où les femmes et les hommes puissent apprendre sans entraves. C’est par l’éducation que nous pouvons construire un monde où les identités particulières, conscientes d’elles-mêmes et des autres, viennent enrichir l’universel.

L’éducation est au cœur de la mission de l’UNESCO, organisation des Nations Unies pour l’éducation, la culture et les sciences parce que c’est par l’éducation que nous avons les moyens de façonner le monde de demain.

Un monde que nous avons collectivement souhaité pour 2030 en nous donnant l’Agenda 2030 pour un développement durable, et dont l’objectif porteur est celui dédié à l’éducation. Sans cet objectif, c’est toute la charpente de l’Agenda 2030 qui tombe :  lutte contre la pauvreté, promotion de l’égalité entre hommes et femmes, mise en place d’une société verte et responsable, diffusion d’une culture de la paix ou encore réduction des inégalités.

Une éducation de qualité, inclusive et équitable, et ce tout au long des différentes phases de l’apprentissage, de la petite enfance à l’âge adulte, car l’éducation est l’affaire de tous les âges. C’est d’autant plus important que la révolution digitale bouleverse les emplois et compétences et qu’il est absolument nécessaire de pouvoir se former durant la vie à ces nouveaux métiers.

L’Agenda 2030 est le premier agenda du développement à inclure l’enseignement supérieure dans ses objectifs. Il faut s’en réjouir : d’abord parce que l’enseignement supérieur est un élément moteur de la croissance et de la prospérité dans le monde ; ensuite parce que c’est de lui que dépend la qualité de tous les autres niveaux d’éducation.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

L’UNESCO publie aujourd’hui une note d’analyse qui montre que l’aide à l’éducation dans le monde a atteint son plus haut niveau. Ce n’est cependant qu’un premier pas sur une route encore longue : nous estimons le déficit de financements à 39 milliards de dollars par an jusqu’en 2030.

Afin de soutenir la communauté des nations, l’UNESCO se concentre sur sa valeur ajoutée : le soutien aux politiques publiques, le partage des pratiques éducatives innovantes, la mise en commun des résultats de la recherche, la collecte des données statistiques.

Elle le fait dans un esprit de coopération et de collaboration avec tous les acteurs de l’éducation : gouvernements, institutions mais aussi jeunesse, société civile, entreprises. L’éducation est un enjeu global ; les défis auxquels elle est confrontée ne peuvent être relevés que par notre intelligence collective. C’est une responsabilité commune.

L’UNESCO partage avec les pays de l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur la volonté de promouvoir un système d’enseignement supérieur et de recherche ouvert, dynamique, qui puisse répondre aux défis posés par des sociétés basées sur la connaissance et l’information.

Permettez-moi d’évoquer quelques-uns de ces défis.

Massification and Growing Demand

The first challenge relates to the growing demand for higher education. Over the last two decades, this demand has been rising all over the world. This explosion in demand has been met by an equally unprecedented growth in the number and types of higher education provision.  

The profile of students has also changed. Demand for post-secondary learning is now overwhelmingly driven not only by first generation higher education entrants; but also by returning graduates; and by adult learners seeking re-training, re-skilling, or up-skilling.

These developments must be supported as they respond to the needs of a constantly-evolving social and professional world. It is indeed predicted that more than two-thirds of jobs that will exist in 2030 have not yet been invented   [Source G7 article].

This of course implies a significant material investment and intellectual inventiveness in order to tailor the enrollment capacities of institutions and their curricula to the needs of these new students.

 

International Mobility on the Rise

The second challenge, that is particularly relevant to our discussions today, is that of the international mobility of students, which is rising sharply. In 2017, 4.6 million students – that is, 1 student out of 40 – studied abroad. This figure is expected to double by 2025. [Source: OECD, Education at a Glance 2017]

Europe remains the number one destination, attracting 50% of the traveling students. North America comes second with 20%. [source : OCDE IIE/Project Atlas, ICEF Monitor Database]. Latin America, the Caribbean and the Asia-Pacific region still fall behind, but are becoming increasingly attractive.

When looking at the country of origin of these students, it is particularly interesting to note that the countries demonstrating the most innovative economies also have the most mobile students.

Asian students represent 50% of the students studying abroad. These students mostly come from China, India and South Korea.

For more than 40 years, 91鶹Ʒ been providing platforms to facilitate university-to-university cooperation and the mobility of teachers, researchers and learners.

This first of these platforms is a legal one, through our normative mission, in the shape of UNESCO's five regional Conventions on the Recognition of Higher Education Qualifications.

As the world of higher education has considerably evolved over the last 25 years, UNESCO’s Conventions have been revised to take into account these new dynamics.

This second generation of revised conventions began in Europe with the adoption of the Lisbon Convention in 1997, and has been followed by the revision of the Tokyo Convention and the revision of the Africa Region Convention.

The revision of the Conventions for the Arab States and Latin America and the Caribbean are due to be finalized in 2019.  

But student mobility doesn’t stop at regional borders, and we need to cater to the increasing inter-regional mobility of students and cross regional university cooperation.

 

UNESCO is therefore working on a very important framework, a Global Convention on the Recognition of Higher Education Qualifications. 

This Global convention would make it easier for students to enrol in Universities in other regions and have their diplomas recognized upon their return. The objective is not to impose a unique model, but to facilitate the integration of different education systems.

This would be the first ever-global convention on higher education and our objective is to present it for adoption by Member States at the 40th session of UNESCO’s General Conference next year, in November 2019.

The second platform we provide is one of academic cooperation. The UNITWIN/UNESCO Chairs global network, that brings together about seven hundred and fifty (750) teaching and research institutions from across the world, is a remarkable tool for intellectual exchange and skill sharing. It promotes a dynamic vision of teaching and builds bridges between the academic world and political and social decision-makers.

 

Inclusion des Personnes réfugiées et déplacées

Le troisième défi est celui de l’inclusion. L’UNESCO travaille à appliquer la reconnaissance des qualifications aux populations dont la formation est parfois le seul bagage : je veux parler des personnes réfugiées et déplacées. La question des migrations de populations est, on le sait, l’un des défis majeurs de notre temps, et elle a de fortes implications en matière d’éducation.

En coopération avec le Conseil de l’Europe, l’UNESCO a élaboré, dans le cadre de la Convention de Lisbonne, une recommandation adoptée en novembre dernier sur la reconnaissance des qualifications des réfugiés et des personnes déplacées, même quand elles ne sont pas attestées par un document officiel, que bien souvent ces personnes n’ont plus par devers elles.

Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu technique de validation des diplômes : c’est aussi un appel à changer de regard sur les réfugiés, à valoriser les talents et les compétences de celles et ceux qui doivent reconstruire leur vie.

 

Inclusion Sociale, parité hommes/femmes

La question des réfugiés et personnes déplacées renvoie à la question plus large de l’inclusion sociale en général et l’inclusion des filles et des femmes en particulier.

Dans ce domaine, de nombreux progrès restent à accomplir : au niveau mondial, seulement 36% des jeunes suivent des études supérieures – (source UIS, 2017) et ce chiffre dissimule d’énormes disparités entre les pays. Nous devons redoubler nos efforts pour éliminer les barrières qui empêchent une inclusion large et équitable dans le système académique.

En ce qui concerne la question du genre, même s’il y a globalement plus de femmes diplômées que d’hommes, ce rapport s’inverse de façon très nette dans les formations scientifiques et technologiques. Dans une économie de plus en plus digitale, c’est particulièrement préoccupant.

Les femmes occupent également des responsabilités moins importantes dans le monde académique. En Europe, 18% des professeurs d’université sont des femmes [GEM 2018 Gender review] ; dans le monde, elles représentent seulement 29% des chercheurs [UIS, 2017]. En 2009, seules 13% des institutions d’enseignement supérieur dans l’ensemble des pays de l’Union européenne étaient présidées par des femmes.

Garantir un système d’éducation supérieure de qualité (« quality assurance »)

L’augmentation de la demande et de l’offre d’enseignement supérieur entraîne un quatrième défi : assurer la qualité de cet enseignement.

Plus que jamais, l’apprentissage se fait par différents prestataires et selon diverses modalités: ressources en ligne, ouvertes, à distance, dans le cadre de « baby bachelors », de « micro-masters », de MOOC. Cela impose de nouvelles exigences en matière d’assurance qualité pour protéger les étudiants et accroitre la transparence.

De nombreux pays en développement ne disposent toujours pas d’agences nationales d’assurance qualité de l’éducation. Aujourd’hui, l’UNESCO travaille avec dix pays africains pour les aider à établir des mécanismes dans ce sens, et à mettre en place des critères d’évaluation des institutions d’enseignement supérieur.  

L’UNESCO a également organisé depuis 2016 une série de rencontres régionales afin de faciliter les échanges sur ces questions de mécanisme d’assurance qualité dans l’enseignement supérieur.

C’est aussi dans cet esprit que l’UNESCO travaille avec l’OCDE pour mettre à jour nos lignes directrices pour un enseignement supérieur de qualité.

 

Cette coopération est également cruciale pour permettre une meilleure diffusion et un meilleur partager des résultats de la recherche scientifique. Pour les mettre à disposition des États et des citoyens, car ils constituent un bien commun qui ne doit être confisqué par aucune institution particulière ni par aucun acteur privé.

4e révolution industrielle : nouvelles technologies ; intelligence artificielle, valeurs

Le dernier défi que je souhaiterais mentionner, c’est celui de la quatrième révolution industrielle. Les avancées et les applications des sciences cognitives et de l’intelligence artificielle, le recours massif au numérique dans tous les domaines de la vie sociale transforment en profondeur la sphère éducative, les modes de transmission et d’apprentissage.

 

Il est indispensable d’aider les étudiants à acquérir et développer de nouvelles compétences, et de permettre l’accès du plus grand nombre aux ressources numériques. C’est la raison pour laquelle l’UNESCO travaille actuellement sur un projet de Recommandation sur les ressources éducatives libres, dans le prolongement du deuxième Congrès mondial des Ressources éducatives libres organisé en coopération avec le gouvernement de Slovénie, en septembre dernier à Ljubljana.

 

Cette irruption des nouvelles technologies dans le monde de l’éducation nous oblige aussi à prendre un peu de recul et à réfléchir à la façon dont les avancées de la science peuvent être mises effectivement au service de l’éducation.

Je pense notamment à l’impact à venir de l’intelligence artificielle sur les façons d’apprendre et d’enseigner et notamment leur personnalisation. Il y a là un chantier intellectuel et pratique immense, qui a des profondes implications politiques et éthiques.

Je finirai sur ce beau mot d’éthique, puisque l’éducation, c’est aussi et peut-être surtout la transmission de valeurs.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

L’Europe a connu le prix de la division et de la guerre, et doit s’inquiéter du retour du racisme et de la xénophobie, alors même que les ruptures technologiques que nous vivons et qui sont devant nous bouleverse la structure et la nature des emplois. Le défi éducatif est donc bien aussi un défi politique car c’est la cohésion sociale qui est en jeu.

Pour la première fois, l’agenda 2030 reconnaît l’ampleur de ces défis et la nécessité de les relever à travers l'éducation, une éducation qui vise autant l’acquisition des compétences techniques que la transmission des humanités et le développement d’une pensée critique.

 

C’est notre responsabilité commune et l’Unesco est à vos côtés pour y faire face.

Je vous remercie."

Le communiqué de la conférence EHEA Paris 2018 et la Déclaration du cinquième Forum politique de Bologne sont accessibles via le lien suivant: