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Réinventer la recherche génétique grâce au système immunitaire d’une bactérie

Pour les scientifiques d’aujourd’hui, la recherche transfrontalière et pluridisciplinaire est un préalable indispensable si l’on veut ouvrir des portes à de nouvelles questions et de nouvelles réponses,” affirme le professeur Emmanuelle Charpentier. Sa collaboration avec le professeur Jennifer Doudna a permis le développement d’une nouvelle technologie révolutionnaire qui a suscité l’émoi de la communauté scientifique, car elle permet aux chercheurs d’éliminer et d’ajouter des fractions de matériel génétique avec une extrême précision. En 2016, les deux chercheuses ont reçu un prix L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science – Emmanuelle Charpentier est la lauréate pour l’Europe, et Jennifer Doudna est la lauréate pour l’Amérique du Nord.

C’est en travaillant sur la bactérie Streptococcus pyogenes, responsable de l’angine streptococcique, que le professeur Emmanuelle Charpentier sera fascinée par le mécanisme de défense de cette bactérie contre les attaques des phages, ces virus traqueurs de bactéries. Dans une étude sans précédent, publiée dans la revue Nature en 2011, elle décrit comment les « séquences CRISPR » contenant des fragments d’ADN prélevés par la bactérie sur le virus agresseur, se servent de ces derniers pour immuniser la bactérie contre de nouvelles attaques virales. Elle identifie et caractérise les composants du système désormais connu sous le nom de CRISPRCas9. La découverte est incroyable. Elle poursuit son travail d’investigation afin de déterminer en quoi ce système cible précisément l’ADN du virus en vue de sa destruction.

En 2011, elle entame, à sa demande, une collaboration avec Jennifer Doudna, afin de démêler la structure du complexe CRISPR-Cas9. Dans un article devenu référent reprenant les conclusions des deux laboratoires, publié dans la revue Science en 2012, le duo de chercheuses évoque la possibilité de s’inspirer de ce mécanisme de défense ciblée pour en faire une puissante technique d’édition du génome programmable et de transformer le duplex de molécules d’ARN en « ARN guide », pour obtenir une technologie d’édition du génome en laboratoire à la fois pratique et polyvalente. Les deux chercheuses ont rapidement pris conscience des nombreuses questions éthiques que pourrait soulever l’édition génétique.

Le professeur Charpentier a consacré beaucoup de temps à apprendre à d’autres scientifiques à se servir de la technologie CRISPR-Cas9 dans leur travail. Conséquence : son exploitation s’est répandue comme une trainée de poudre au sein de la communauté scientifique. La technique a tout bonnement révolutionné la recherche génétique.

De nombreuses femmes changent actuellement le monde par le biais de leur recherché, tout comme Emmanuelle Charpentier. Pourtant, les inégalités entre les hommes et les femmes en sciences sont encore considérables. A travers leur programme Pour les Femmes et la Science, l’UNESCO et la Fondation l’Oréal font le pari de reconnaitre celles qui, par la portée de leurs travaux, contribuent à relever les grands enjeux planétaires. Un manifeste pour les femmes et la science a été lancé à l’issue de la cérémonie L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science afin d’attirer l’attention sur la nécessité d’assurer l’égalité des genres dans la science. .