Remembering the genocide of the Tutsi

Histoire

Kwibula : Rwanda 1994 - Commémorer le génocide contre les Tutsis. Reportage photos

En 2023, le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO a ajouté quatre sites mémoriaux du génocide au Rwanda à la liste des sites du patrimoine mondial : Nyamata, Murambi, Bisesero et Gisozi, où se trouve le mémorial du génocide de Kigali.
Ce reportage photo est basé sur l'exposition marquant le 31e anniversaire du génocide contre les Tutsis au Rwanda, qui a débuté le 7 avril 1994. Il explore le paysage de chacun de ces quatre sites à travers le prisme de survivants du génocide.

Commandée par l’UNESCO, cette exposition a été créée en mars 2024 par l’Aegis Trust, qui gère le Mémorial du génocide de Kigali pour le compte du ministère rwandais de l’unité nationale et de l’engagement civique. Elle a été présentée une première fois à l'UNESCO à l'occasion du 30e anniversaire.

Elle sera de nouveau présentée sur les grilles du Siège de l'UNESCO pendant deux mois à partir du 7 avril. 

Philippe Kayitare a survécu au massacre de l’église de Nyamata au cours duquel 10 000 personnes ont été assassinées. Juliette Mukakabanga, une Hutu, a sauvé la vie de son bébé tutsi lors du massacre de Murambi. Dans les collines de Bisesero, Antoine Sebiroro fait partie de ceux qui ont riposté. Et à Gisozi, la rescapée Prisca Umwanankunda travaille désormais comme archiviste et aide à préserver les traces de ces souvenirs. À travers leurs interactions avec ces paysages, cette exposition offre non seulement une introduction aux sites eux-mêmes, mais aussi un aperçu de l’expérience humaine qui donne à chacun d’eux tant de sens. 

Nyamata

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En deux jours, environ dix mille Tutsis ont été assassinés dans cette église, les 14 et 15 avril 1994. Parmi eux se trouvaient 21 membres de la famille de Philippe Kayitare, dont ses parents, ses quatre frères et sœurs, sa grand-mère, ses oncles, tantes et cousins. Le voici assis là où il gisait, blessé lors du massacre.

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Sous un toit de tôle ondulée parsemé d’étoiles percées d’éclats d’obus, le survivant Philippe Kayitare se joint à la veillée de la Vierge Marie sur les vêtements des assassinés. Trente ans plus tard, les victimes sont toujours recherchées. Au premier plan : des cercueils contenant des restes récemment découverts attendent leur enterrement.

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Philippe Kayitare est assis sur un banc devant l’église où il a survécu au massacre qui a coûté la vie à sa famille. « J’ai été touché au visage par des machettes et une grenade m’a touché la jambe », raconte-t-il. « Ma mère enceinte a été tuée à coups de machette. Mon père a été abattu à l’entrée de l’église. »

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Environ cinquante mille victimes du génocide perpétré contre les Tutsis y sont enterrées, dont des personnes assassinées dans l’église et ses environs. « Je viens ici pour me souvenir d’eux, pour me connecter avec eux, » dit Philippe à propos de sa famille parmi eux. « J’ai choisi de vivre à proximité pour ressentir leur présence. »

Murambi

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Environ 50 000 Tutsis ont fui vers ce complexe scolaire inachevé lorsque le génocide a commencé en avril 1994. Une Hutu avec un mari et des enfants tutsis, Juliette Mukakabanga est arrivée ici le 10 avril. « Le maire Félicien Semakwavu nous a demandé d’aller à l’école de Murambi, en nous promettant la protection de l’armée », raconte-telle.

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Juliette regarde des photos de victimes du génocide dans cette exposition. « Je suis arrivée avec mon mari, tenant mes deux enfants dans mes bras et portant mon bébé d’un mois sur mon dos. Avec nous se trouvaient ma belle-mère et de nombreux membres de la famille de mon mari. Nous étions au total 45 personnes. Seuls trois d’entre nous ont survécu. »

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Juliette se tient là où elle se trouvait lors de l’assaut du 21 avril 1994. « Les miliciens m’ont demandé ma carte d’identité et ont découvert que j’étais Hutu. Je portais mon bébé sur mon dos. Ils m’ont dit de remettre l’enfant tutsi pour qu’il soit tué. J’ai refusé. Ils ont dit que puisque je choisis d’être Tutsi, je serai tuée avec mon bébé. »

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Juliette raconte ce qui s’est passé sur place, le 21 avril 1994. « Alors que les miliciens brandissaient leurs armes pour nous tuer, leur chef sifflait pour signaler que leur travail était terminé », raconte-t-elle. « On m’a pris ma carte d’identité, ma preuve d’identité hutue, pour garantir notre mort future. »

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Des centaines de cadavres sont conservés dans la chaux. Juliette ne sait pas quels sont ses proches, le cas échéant. « Mes enfants de huit et six ans et mon mari ont été tués à coups de machette ici, avec une autre famille. Lorsque je leur rends visite, la tristesse m’envahit, mais c’est aussi là que je me sens le plus proche de d’eux. » Son bébé, Pauline, a survécu avec elle.

Bisesero

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Lors du ³Òé²Ô´Ç³¦¾±»å±ð contre les Tutsis, ces collines sont devenues un centre de résistance. « Nous avons refusé de mourir », raconte Antoine Sebiroro. « Nous avons combattu les milices pendant environ un mois. À 20 ans, j’étais en première ligne, j’espionnais les miliciens, je notais leurs armes, je transmettais des informations à ceux qui étaient derrière nous. »

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En mai 1994, alors que les Tutsis comme Antoine Sebiroro continuaient de résister au génocide avec des lances et des pierres, des soldats se sont joints aux milices pour les attaquer. « Le jour le plus sombre est survenu le 13 mai 1994, lorsque plus de 30 000 Tutsis ont péri, dont mes parents, mes deux frères et sœurs et d’innombrables autres membres de ma famille. »

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« J’aurais facilement pu être l’un d’entre eux », dit Antoine, posant ses mains marquées par les combats sur une caisse contenant des crânes de Tutsis morts ici. « Mon père est tombé sous une balle tirée par un garde présidentiel, tandis que ma mère a été tuée à coups de machette alors qu’elle portait l’enfant de ma sÅ“ur,  qui est également décédée. »

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50 000 à 60 000 Tutsis sont enterrés à ce mémorial. Antoine s’apprête à déposer une fleur à leur mémoire. « Né dans une famille de sept personnes, seuls trois d’entre nous ont survécu », dit-il. « Réfléchir ici me rappelle les batailles que nous avons menées et la douleur que nous avons endurée en voyant mourir nos proches. »

Gisozi

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Le Mémorial du ³Òé²Ô´Ç³¦¾±»å±ð de Kigali est le dernier lieu de repos de 250 000 personnes assassinées dans la capitale rwandaise lors du génocide contre les Tutsis. Berceau de l’éducation à la paix au Rwanda, il abrite également les archives du génocide du Rwanda. La rescapée Prisca Umwanankunda y travaille.

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Prisca Umwanankunda dépose une rose sur une fosse commune au Mémorial du génocide de Kigali. « Lors du génocide, nos vies ont été brisées au-delà de toute compréhension », dit-elle. « Ma mère, mes trois frères et ma sœur aînée ont péri, ainsi que d’innombrables proches. La brutalité de leur mort me hante toujours. »

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Prisca regarde des photos des victimes dans le Mémorial. « Je me souviens du jour où j’ai été arrêtée à un barrage routier », dit-elle. « Les milices m’ont soumis à une brutalité inimaginable. J’ai été mise dans un bus avec d’autres Tutsis à moitié vivants pour me noyer au bord de la rivière Nyabarongo. J’ai utilisé chaque once de force pour m’échapper. »

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Prisca au travail dans les archives du génocide. « Le génocide m’a volé mes jambes », dit-elle. « Quelle que soit la douleur que je ressens chaque jour, je m’efforce de progresser. En tant qu’archiviste ici, je travaille à préserver la mémoire des personnes disparues, en honorant la vie de mes proches. »

Prisca Umwanankunda dans les jardins commémoratifs. « Ce Mémorial occupe une place particulière dans mon cœur », dit-elle. « Lieu de repos ultime pour les âmes innocentes, je m’engage à le protéger à tout prix, en veillant à ce que leur mémoire perdure pendant des générations. Dans cet espace sacré, je trouve réconfort et force. »

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