No hate

Histoire

Plus jamais ça : l’engagement de l’UNESCO contre l’antisémitisme en Europe

Le 23 avril 2025 marque Yom HaShoah (Yom HaZikaron laShoah ve-laG'vurah), la Journée du souvenir des martyrs et des héros de la Shoah. Quatre-vingts ans après l’Holocauste, l’Europe connaît une forte hausse des actes d’antisémitisme et de violence contre les Juifs et leurs communautés. En plus de menacer directement la sécurité et le bien-être des Juifs, l’antisémitisme met à mal les principes mêmes de la démocratie.

Eighty years after the Holocaust, Europe and the world are witnessing a sharp rise in antisemitism and violence against Jewish individuals and communities. In addition to directly threatening the security and well-being of Jewish people, antisemitism also has a corrosive impact on the very fabric of democratic life. 

Afin de tenir la promesse mondiale qu’il n’arrive « Plus jamais ça Â», il est essentiel d’accroître la résilience des sociétés face à la haine et à l’antisémitisme au moyen de programmes éducatifs. Cependant, les enseignants se sentent souvent mal préparés pour parler d’antisémitisme en classe. Ils ont peur de susciter des réactions négatives chez les élèves ou les parents ou de propager involontairement les stéréotypes antisémites qu’ils tentent de déconstruire. Certains enseignants déplorent aussi un manque de formations spécifiques sur l’antisémitisme. 

L’UNESCO lutte activement contre l’antisémitisme depuis une décennie. À l’aide d’un financement de la Commission européenne et en partenariat avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH), l’Organisation forme depuis 2023 des centaines d’enseignants, de formateurs et de décideurs politiques dans 10 pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, France, Grèce, Roumanie, Slovénie et Tchéquie) à la prévention, la détection et la lutte contre les préjugés antisémites à l’école. La 10e session de formation organisée dans le cadre de cette initiative a eu lieu en Slovénie le 23 avril 2025, en coopération avec l’OSCE/BIDDH, le ministère slovène de l’É»å³Ü³¦²¹³Ù¾±´Ç²Ô et la Commission nationale slovène pour l’UNESCO. 

Voici cinq enseignements clés et bonnes pratiques issus de ces ateliers de renforcement des capacités :

  • La première étape pour lutter contre l’antisémitisme est de bien comprendre ses mécanismes

Les discours antisémites se cachent souvent derrière un langage codé afin de rendre plus difficile leur détection. Comme un virus, l’antisémitisme survit et évolue en mutant. Sa terrible flexibilité signifie qu’il n’a pas de « base idéologique fixe Â», comme le dit Alex Maws, responsable de l’éducation à l’Association of Jewish Refugees (association des réfugiés juifs) et partenaire de longue date de l’UNESCO. Il peut donc être présent aussi bien à droite qu’à gauche de l’échiquier politique. L’antisémitisme cible les Juifs en tant que groupe religieux, en tant que groupe ethnique et culturel et en tant que membres d’une communauté nationale. Par ailleurs, il est souvent recouvert d’un vernis antihégémonique pour se présenter comme un mouvement de défense des « opprimés Â» contre de puissants oppresseurs, et donc comme légitime. 

Il est essentiel que les initiatives éducatives s’attachent à faire tomber les différents masques de l’antisémitisme et à offrir aux apprenants les bons outils pour déconstruire toutes ses formes partout où elles apparaissent et quels que soient les arguments utilisés pour les justifier. C’est dans ce contexte que l’UNESCO a publié à l’attention des enseignants et du grand public une courte vidéo (en anglais) intitulée «  Â» (Qu’est-ce que l’antisémitisme ?) qui peut aussi être utilisée en classe pour encourager des discussions sur la nature des préjugés contre les Juifs. 

  • Les cours sur l’antisémitisme doivent être complétés par des cours sur l’histoire, la culture et la vie quotidienne des Juifs dans le contexte national concerné 

L’antisémitisme déshumanise ses cibles et présente les Juifs comme extérieurs aux communautés nationales dont ils font partie. Il est important de contrebalancer l’enseignement des mythes antisémites et de l’histoire des persécutions subies par les Juifs, qui culmine avec l’Holocauste, en mettant en avant la richesse du patrimoine juif et en montrant que l’histoire des Juifs s’entremêle avec l’histoire nationale, dont elle fait partie intégrante. 

  • Les théories du complot antisémites peuvent être abordées dans le cadre plus large de l’éducation aux médias et à l’information 

Les théories du complot forment le noyau dur de l’antisémitisme. Par conséquent, déconstruire les mécanismes de désinformation est essentiel pour augmenter la résilience face à la haine contre les Juifs. Réciproquement, l’enseignement sur l’antisémitisme peut étayer l’éducation aux médias et à l’information en fournissant des exemples de la manière dont les fausses informations se propagent et dont un groupe de personnes peut être désigné comme bouc émissaire. Les programmes éducatifs de lutte contre l’antisémitisme et ceux d’éducation aux médias et à l’information peuvent ainsi se renforcer mutuellement pour favoriser la création d’un écosystème d’informations plus sain. 

  • L’enseignement de l’Holocauste doit permettre de renforcer la sensibilisation et la lutte contre l’antisémitisme contemporain

L’enseignement de l’Holocauste ne suffit pas à lui seul pour sensibiliser à l’antisémitisme contemporain, mais s’il est bien réalisé, il peut grandement contribuer aux efforts de prévention de l’antisémitisme. En effet, la mémoire de l’Holocauste est souvent au centre des discours antisémites, dans lesquels elle est soit purement et simplement niée, soit déformée ou inversée de manière plus subtile. Par conséquent, l’enseignement de l’Holocauste ne doit pas se contenter de relater la réalité factuelle de l’extermination des Juifs par le régime nazi et ses collaborateurs, mais doit aussi aborder de manière critique ces tentatives de négation et de déformation afin de préserver la mémoire de l’Holocauste au XXIe siècle. Pour aider les enseignants dans cette mission complexe, l’UNESCO a récemment publié un  ainsi qu’un recueil d’ autour de ce sujet. 

  • Le dialogue interconfessionnel et interculturel peut donner un cadre aux discussions difficiles sur l’antisémitisme 

Une des raisons pour lesquelles les enseignants peuvent ne pas être à l’aise à l’idée d’aborder l’antisémitisme en classe est qu’ils ne se sentent pas prêts à gérer des conversations difficiles liées au conflit en cours au Moyen-Orient. Le phénomène de « concurrence entre les victimes Â» est souvent un obstacle majeur à de réelles discussions et nécessite de faire preuve d’empathie et de délicatesse. Dans ce contexte, l’UNESCO a noué un partenariat avec l’ONG Solutions not Sides pour former les enseignants européens à éviter ce piège en reconnaissant l’humanité et les souffrances de toutes les personnes touchées par le conflit tout en évitant de tomber dans des stéréotypes néfastes ou de diaboliser certains groupes. 

L’éducation à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme est un investissement à long terme qui nécessite des efforts soutenus. C’est pourquoi l’Organisation a décidé de prolonger de deux ans son projet « Prévenir l’antisémitisme par l’éducation Â», avec l’aide financière de la Commission européenne. L’objectif de la phase 2025-2027 du projet est de travailler avec tous les États membres de l’Union européenne n’ayant pas encore participé ainsi qu’avec la Serbie dans le cadre d’une série de conférences régionales réunissant des autorités éducatives, des experts et des universitaires du domaine de l’éducation, des enseignants et des formateurs expérimentés, des représentants des communautés juives et d’autres acteurs pertinents.