Le rôle de la coopération transfrontière
La coopération autour des cours d’eau, des lacs et des aquifères transfrontaliers peut générer de multiples bénéfices économiques, sociaux, environnementaux et politiques, gages de prospérité et de paix aux échelles locale, nationale, régionale et mondiale.
L’eau a le pouvoir de rapprocher les pays et de promouvoir la prospérité en offrant des opportunités communes en matière de subsistance, de développement et de partage des coûts, qui sont potentiellement plus avantageuses que celles générées par l’action unilatérale.

Le droit international de l’eau établit des principes et des normes qui encadrent la coopération sur les eaux transfrontalières, laquelle peut contribuer à résoudre les différends et à promouvoir la stabilité et la paix. Les deux conventions de l’ONU, la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation et la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux, comme le Projet d’articles sur le droit des aquifères transfrontières constituent les instruments disponibles à cet égard.
Malheureusement, sur les 153 pays partageant des eaux transfrontalières, seuls 32 ont conclu des accords de coopération pour au moins 90 % de la superficie de leurs bassins transfrontaliers.
Compte tenu de la complexité croissante des défis liés à l’accès à l’eau, à sa qualité et à sa gestion, et afin de prévenir de futurs différends, il sera essentiel de mettre en place des accords flexibles, ajustables selon l’évolution des difficultés, en particulier des mesures d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets, comme d’inclure des procédures de consultation et de règlement des différends.
Un besoin urgent d'accords transfrontaliers
Les fleuves, les lacs et les aquifères transfrontaliers représentent 60 % des flux d’eau douce dans le monde. Alors que 40 % de la population mondiale vit dans des bassins fluviaux et lacustres transfrontaliers, seul un pays sur cinq a conclu des accords couvrant l’ensemble de ses eaux transfrontalières en vue de gérer cette ressource de façon partagée.

Exemples d'actions
Association des femmes utilisatrices de l'eau au barrage de Malaka
Au Yémen, l'eau du barrage de Malaka était principalement utilisée par trois villages voisins pour l'irrigation et l'élevage, et a été source de conflit pendant des décennies. Dans une tentative d'arrêter le conflit, un décret tribal a été mis en place interdisant toute utilisation de l'eau du barrage. Par la suite, une association d'utilisation de l'eau (AUE) dirigée par des femmes de la communauté, Al Malaka, a pris l'initiative dans la résolution des conflits et la négociation de la paix concernant l'utilisation de l'eau du barrage. Les membres de l'AUE, avec le soutien de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), ont réussi à négocier la mise en place d'un système de tuyauterie utilisant l'écoulement par gravité pour envoyer l'eau du barrage de Malaka vers plusieurs puits d'eau souterraine de la région. Cette solution était novatrice et efficace car elle éliminait le besoin d'une utilisation directe de l'eau du barrage, tout en réduisant l'évaporation et en revitalisant les ressources en eau des puits. Depuis, l'eau est utilisée pacifiquement pour l'élevage et l'irrigation dans les zones environnantes. Cet exemple souligne le besoin d'implication communautaire et d'inclusion des femmes dans les questions de diplomatie de l'eau dans la région arabe.

La récupération post-guerre : Avantages de la coopération transfrontière dans les bassins des rivières Sava et Drina
La gestion collaborative du bassin de la rivière Sava, partagée par la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie, illustre une "meilleure pratique" en matière de coopération transfrontalière, résultant en un processus efficace de récupération socio-économique dans le bassin grâce à une coopération post-conflit sur l'eau (The Economist Intelligence Unit, 2019). La valeur de cette coopération est toujours évidente aujourd'hui, alors que les pays abordent conjointement les problèmes émergents (notamment l'adaptation au changement climatique, y compris la gestion de la sécheresse) et renforcent la coopération intersectorielle pour une planification et un développement des politiques durables, notamment dans le sous-bassin de la rivière Drina où la plupart des centrales hydrauliques du bassin sont concentrées.
La Commission internationale du bassin de la rivière Sava (ISRBC) a été créée en 2002 avec pour mandat de mettre en œuvre l'Accord-cadre pour le bassin de la rivière Sava (FASRB). Remarquablement, il s'agissait du premier accord régional à être signé depuis l'Accord de paix de Dayton qui a mis fin à la guerre dans l'ex-Yougoslavie. La restauration de la navigation intérieure a permis le retour du commerce régional, renforçant l'intégration économique entre les pays et au-delà , notamment avec l'Union européenne. La reconstruction de ponts et de ports dans tout le bassin a accompagné le déblaiement des débris de guerre et des mines, conduisant à la restauration des moyens de subsistance locaux, y compris l'agriculture et le tourisme.
Dans le contexte de tensions croissantes entre différents grands utilisateurs de l'eau, tels que l'agriculture et l'énergie, une évaluation participative du nexus eau–alimentation–énergie–écosystèmes sous la Convention sur l'eau a été réalisée dans les zones du bassin de la Sava (2014) et plus tard dans celles du bassin de la Drina (2016–2022, à travers plusieurs projets). L'objectif de ces évaluations était de rechercher des solutions intersectorielles pour augmenter l'efficacité de l'utilisation des ressources, capitaliser sur les complémentarités régionales et améliorer la gouvernance des ressources naturelles.
Ces efforts ont notamment permis de quantifier les avantages de la coopération transfrontalière sur l'hydroélectricité et d'élaborer des moyens possibles de régulation des débits dans le bassin (également par le biais de la création d'un groupe d'experts dédié), dans le cadre d'une "feuille de route du nexus" visant à coordonner les actions entre les secteurs et les pays. La feuille de route vise à guider de manière cohérente les décideurs politiques dans la mise en œuvre de leurs plans stratégiques sectoriels et intersectoriels au niveau du bassin (notamment à travers le Plan d'action vert pour les Balkans occidentaux – GWP-Med, 2022 n.d.). L'adaptation au climat, la planification durable des énergies renouvelables et la gestion des sédiments figurent parmi les activités intersectorielles incluses dans la feuille de route et guident également le "Programme intégré de développement des corridors des rivières Sava et Drina".
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