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Les sections suivantes s'alignent sur chacun des cinq "accélérateurs" du
Gouvernance

Faire de l’eau un catalyseur de la paix requiert également des accords de gouvernance qui permettent à la fois de prévenir les conflits et de les résoudre. Parmi les principaux dispositifs de ce type figurent les normes et les cadres internationaux visant à garantir les droits humains à l’eau et à protéger les sources et les systèmes d’eau, en particulier lors de conflits armés et dans des contextes transfrontaliers.
Des accords de gouvernance équitables, conçus pour encadrer des arbitrages difficiles, sont indispensables aux fins d’atténuer les tensions et réparer les injustices. Ces accords doivent notamment inclure des règles pour établir et (ré)attribuer les accès à l’eau dans les cas d’emplois concurrents de la ressource ainsi que pour s’orienter parmi différents objectifs politiques difficiles, parfois même contradictoires, concernant l’agriculture, l’énergie, la santé, les infrastructures et les investissements.
Le partage intégral et équitable des avantages demeure toutefois une promesse difficile à concrétiser. En effet, les solutions favorables à toutes les parties peuvent comporter des coûts cachés. Les avantages obtenus ne sont pas faciles à mesurer et à quantifier alors que les résultats sont parfois inégalement répartis (lorsque l’eau est transportée des terres agricoles vers les villes mais que ces dernières en retirent la plupart des avantages, par exemple).
Éducation et développement des capacités

L’eau douce est vitale à la prospérité humaine ; pourtant, les progrès vers un accès universel à l’eau potable et à l’assainissement sont insuffisants, comme en témoignent les indicateurs du sixième objectif de développement durable (ODD).
Ceci entraîne notamment un retard dans l’adoption de nouvelles technologies de traitement des eaux, d’assainissement et de gestion intégrée des bassins fluviaux — ce qui, en retour, se traduit par un gaspillage de l’eau, une contamination des ressources en eau douce et des niveaux d’accès insuffisants à l’eau potable.
Si l’écart entre les besoins techniques et les compétences disponibles se creuse, on constate qu’il est encore plus grand lors des projets éducatifs destinés à améliorer les cadres de soutien juridiques, politiques et institutionnels à la gouvernance de l’eau.
Les besoins en renforcement des capacités dans les pays insulaires du Pacifique
Un effort significatif sera nécessaire pour renforcer les capacités du secteur de l'eau afin d'atteindre les objectifs de l'ODD 6 dans le Pacifique. Seulement 60% des habitants du Pacifique ont accès à l'eau potable de base et seulement 33% à l'assainissement de base, ce dernier étant le taux le plus bas enregistré dans le monde (UNICEF, 2022). En plus de divers problèmes de gouvernance, de politiques déficientes, de législation et de propriété, un important déficit en capacités humaines est également signalé.
En raison d'un manque de capacités humaines en gestion des ressources en eau, les installations existantes ne sont pas optimisées sur le plan opérationnel, et environ 1 000 des 8 500 employés du secteur nécessitent une formation chaque année. Ce constat illustre les contraintes en ressources humaines et financières auxquelles sont confrontés les pays insulaires du Pacifique. Une enquête de perception menée dans le bassin versant de Nadi aux Fidji a révélé que les habitants du Pacifique utilisent des approches traditionnelles basées sur la communauté pour gérer les ressources en eau. Avec une formation supplémentaire et les bons outils, les gestionnaires communautaires peuvent renforcer la gestion des ressources en eau existante (Wilson et al., 2022).
Financement

Pour garantir des services d’eau et d’assainissement adéquats aux communautés et aux entreprises, il est nécessaire de faire un meilleur usage des sources de financement existantes et d’en mobiliser de nouvelles. Fondamentalement, la résolution de toutes les crises liées à l’eau va nécessiter des capitaux, notamment le versement d’une aide financière internationale significative aux pays en développement.
Il est urgent d’employer les sources de financement disponibles à meilleur escient et de mobiliser de nouveaux capitaux, notamment par l’accroissement de l’aide internationale aux pays en développement. Des évaluations rigoureuses des impacts et bénéfices des investissements peuvent créer de nouvelles opportunités de financement.
Les investissements, les instruments et les accords relatifs à l’eau peuvent être conçus de façon à répartir équitablement les coûts et les bénéfices entre les différentes parties prenantes. Les évaluations peuvent renseigner l’élaboration d’instruments politiques tels la tarification de l’eau, la fiscalité, les redevances, les permis ou les marchés de compensation. De même, ces éléments peuvent structurer des accords de financement volontaires, qui associent les rendements potentiels à un investissement, afin d’encourager les acteurs locaux à fournir des capitaux non remboursables pour des investissements apportant des avantages opérationnels.
Une meilleure compréhension des risques posés par les ressources en eau peut encourager les acteurs financiers à s’engager auprès des entreprises pour qu’elles investissent dans l’atténuation de ces risques
Science, technologie et information

Les avancées scientifiques ont largement contribué au développement des technologies et à l’innovation dans le secteur de l’eau. Ils ont en effet permis de mettre au point des outils et des approches novateurs pour mesurer et surveiller les paramètres reflétant l’état de l’hydrosphère, comme les systèmes d’observation terrestre et les technologies spatiales à travers le déploiement de satellites et la télédétection, les équipements de détection avancée pour la surveillance des systèmes hydrologiques, l’essor des sciences participatives appuyées par les technologies à faible coût ainsi que l’emploi de l’analyse des mégadonnées.
L’intelligence artificielle (IA) pourrait apporter des solutions aux défis posés par les services WASH, les usages agricoles et industriels de l’eau ainsi que par la gestion des ressources en eau. Les effets généraux de cette technologie émergente restent encore méconnus. L’utilisation de IA présente notamment le risque de compromettre l’ensemble des systèmes en cas d’erreurs de conception, de dysfonctionnements et de cyberattaques, ce qui, dans le pire des cas, pourrait entraîner la destruction d’infrastructures essentielles. Les entreprises du secteur des technologies de l’information deviennent de plus en plus gourmandes en eau du fait des grandes quantités d’eau qui sont utilisées pour refroidir les ordinateurs qui exécutent les programmes d’IA, sans compter l’électricité nécessaire pour alimenter les équipements.
Données et information

Le partage transparent et l’échange volontaire de données et d’informations sont essentiels à une gestion efficace des ressources en eau, contribuant de fait à l’instauration de la paix et de la sécurité dans les sociétés.
Faute de capacités suffisantes de surveillance et de suivi, les données relatives aux quantités et à la qualité des ressources en eau restent rares dans de nombreux pays à faible revenu, notamment en Asie et en Afrique.
Une proportion importante de pays se caractérise par des réseaux de surveillance des eaux souterraines très limités ou inexistants, en raison du coût de développement, d'exploitation et de maintenance.
Les systèmes hydriques ne peuvent être modélisés et exploités efficacement que si l’on dispose de données et d’informations suffisantes sur leur emplacement, la quantité, la qualité et la variabilité temporelle de leurs ressources comme de leurs prélèvements. La gestion adaptative, l’étalonnage des observations par télédétection et la modélisation nécessitent des données hydrologiques fiables. Il est fréquent que les agences gouvernementales chargées de la surveillance et de la gestion des ressources en eau ne disposent pas des capacités pour collecter les données et en tirer les informations nécessaires à la résolution des problèmes économiques et sociaux liés à l’eau.
Les risques associés aux cyberattaques
Le nombre d'attaques informatiques signalées visant les infrastructures hydrauliques critiques - y compris l'approvisionnement en eau potable, le traitement des eaux usées et des eaux d'égout, les barrages et les canaux - a augmenté ces dernières années (Tuptuk et al., 2021). Ces risques devraient augmenter en raison du développement et de l'adoption croissante des systèmes hydrauliques cyber-physiques, qui intègrent des capacités computationnelles et physiques pour contrôler et surveiller les processus. Dans le passé, la sécurité des systèmes hydrauliques était principalement assurée par une isolation physique, limitant l'accès aux composants de contrôle. Cependant, avec l'émergence de l'Internet des objets, les systèmes hydrauliques utilisent de plus en plus une philosophie de systèmes intelligents, incorporant des analyses dans les systèmes de contrôle industriel pour améliorer la capacité de détection et de contrôle (Bello et al., 2023; Tuptuk et al., 2021).
"Les cyberattaques pourraient être lancées à distance en utilisant des techniques de commande et de contrôle pour interrompre les performances du système et fournir un accès à des parties illégitimes à des informations critiques et confidentielles. De plus, dans les cas les plus graves, de telles attaques peuvent même causer des dommages physiques à la structure du système. De plus, de telles attaques peuvent compromettre la qualité de l'eau en modifiant les systèmes de traitement ou en supprimant les avertissements de contamination en affectant les capteurs de qualité de l'eau" (Bello et al., 2023, p. 2). Les implications pour la société sont potentiellement graves et multiples. Les cyberattaques peuvent affecter les services d'infrastructures critiques pour l'eau potable, le traitement des eaux usées et des eaux d'égout, la production agricole et les systèmes alimentaires, la production d'énergie, la navigation et la gestion des catastrophes (y compris les inondations et les sécheresses) (Gleick, 2006; Amin et al., 2012; Copeland, 2010).
Les gouvernements élaborent des plans de cybersécurité pour protéger les infrastructures hydrauliques critiques. Pour atténuer les risques, le personnel doit être formé pour évaluer et identifier les menaces pesant sur les infrastructures hydrauliques (Bello et al., 2023; Moraitis et al., 2020; Hassanzadeh et al., 2020; Adepu et Mather, 2016). Les mesures comprennent des évaluations régulières de la cybersécurité et des plans d'intervention en cas d'incident, une surveillance vigilante des processus de traitement de l'eau, ainsi que des contrôles d'accès, le chiffrement, les pare-feu, les mesures antivirus, les sauvegardes et l'authentification multi-facteurs (Waterfall, 2023).
Chapitres entiers
Consultez les chapitres 9 à 12 du Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2024 : l'eau pour la prospérité et la paix